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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/68

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côtiers sortent et rentrent comme des rats d’eau dans un magasin, à toute heure du jour… Et cependant il me semble que ce n’est que le bouillonnement de la mer.

— C’est de la toile à voile, blanche comme la neige, telle que le rapide corsaire en emploie dans ses plus hautes esparres !

— C’est un oiseau qui s’est envolé, répondit sèchement l’étranger, car on ne le voit plus. Ces vaisseaux qui s’envolent, capitaine Ludlow, nous donnent bien des nuits sans sommeil à nous autres marins, et nous font faire bien des chasses sans succès. J’étais une fois sur les côtes d’Italie, entre l’île de Corse et le continent, lorsqu’une de ces illusions effraya l’équipage, et d’une manière qui m’a appris à mettre moins de confiance dans mes yeux, à moins qu’ils ne soient servis par un horizon clair et une tête froide.

— Racontez-moi cette histoire, dit Ludlow, en détournant les yeux de l’Océan comme quelqu’un qui croit s’être trompé. Quelle est cette merveille des mers d’Italie ?

— Une véritable merveille, comme Votre Honneur l’avouera lorsque je vous aurai raconté cette affaire à peu près dans les mêmes termes que je l’écrivis sur le livre de loch à l’usage de tous ceux qui y étaient intéressés. C’était la dernière heure du second quart, le jour de Pâques ; le vent soufflait de l’est-sud-est. Une brise légère emplissait les plus hautes voiles et nous laissait tout juste le commandement du vaisseau. Nous avions depuis quelques heures perdu de vue les montagnes de Corse, le mont Christo et l’île d’Elbe. Nous cherchions à atteindre la côte des États Romains. Un banc épais et peu élevé de brouillard était entre nous et la côte ; chacun crut que c’étaient les vapeurs de la terre et n’y pensa pas davantage. Personne ne désirait y entrer, car c’est une côte où les vapeurs sont pestilentielles, et les mouettes et les oiseaux de la terre refusent de la traverser. Nous attendions ainsi la grande voile en largue, les voiles de hune battant l’extrémité des mâts comme une belle qui s’évente lorsqu’elle voit son amant, et rien de plein, sinon les plus hautes voiles, et le soleil brillait sur l’eau vers le bord de l’ouest. J’étais jeune alors, j’avais l’œil prompt et le pied agile, et j’étais un des premiers parmi les curieux.

— Eh bien ! dit Ludlow, qui trouvait de l’intérêt dans ce récit malgré l’indifférence qu’il affectait.