Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/69

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— Eh bien ! au-dessus du nuage de vapeur qui est sans cesse sur la côte, on voyait un objet qui ressemblait à des rayons de lumière. On eût dit que des milliers d’étoiles avaient quitté leurs hamacs des cieux pour nous garantir des écueils par un signal surnaturel. Cette vue était aussi surprenante que merveilleuse. Lorsque la nuit s’approcha, le signal devint plus brillant, comme s’il eût voulu nous avertir ; mais lorsqu’on donna l’ordre d’examiner avec une lunette, on vit une croix briller dans l’air à une plus grande hauteur que celle où les vaisseaux terrestres placent leurs signaux particuliers.

— C’était en effet fort extraordinaire ! Et que fîtes-vous pour connaître le caractère de ce symbole céleste ?

— Nous nous éloignâmes de la terre, et nous laissâmes ce fait à éclaircir à de plus audacieux marins. Je fus fort aise pour ma part de revoir, le lendemain matin au lever du soleil, les montagnes couvertes de neige de la Corse.

— Et la nature de cet objet ne fut jamais expliquée ?

— Ni ne le sera jamais. J’en ai souvent parlé depuis avec les marins de ces mers, et je n’en ai rencontré aucun qui en ait vu un semblable. Il y en eut un cependant qui fut assez hardi pour assurer qu’il y avait une église dans l’intérieur des terres, assez élevée et assez large pour être vue à quelques lieues en mer, et que, favorisés par notre position et les brouillards suspendus au-dessus des basses terres, nous avions vu au-dessus des vapeurs ses ouvrages supérieurs éclairés pour quelque cérémonie. Mais nous avions tous trop d’expérience pour croire un semblable conte. Je ne pense pas qu’une église puisse ressembler à une montagne ou à un vaisseau ; mais celui qui prétend persuader que les mains de l’homme peuvent entasser des piles de pierres parmi les nuages, devrait s’assurer de la confiance de ses auditeurs avant de pousser son conte aussi loin.

— Votre récit est extraordinaire, et cette merveille aurait dû être approfondie. Il se peut réellement que ce fût une église, car il y a un édifice à Rome dont les tours sont trois fois plus hautes que les mâts d’un croiseur.

— Comme je n’ai jamais tourmenté les églises, je ne sais pas pourquoi les églises me tourmenteraient, dit l’étranger en se détournant, comme s’il n’était pas disposé à regarder plus longtemps l’Océan. Voilà douze ans que j’ai vu une pareille chose, et