Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comprendre leur expression, soit qu’il fût entraîné par sa jeunesse et ses espérances, il entra dans l’appartement.

— Bien qu’elle ne fût certainement pas habituée à voir son salon escaladé avec si peu de cérémonie, la belle descendante des huguenots ne montra aucune surprise ni aucune crainte ; ses joues devinrent plus colorées, ses yeux plus animés, mais sa personne prit un maintien ferme et imposant.

— J’ai entendu raconter que le capitaine Ludlow avait en partie obtenu sa renommée par sa bravoure sur mer, dit-elle avec une expression à laquelle on ne pouvait se méprendre ; mais j’aurais cru que son ambition était satisfaite par les lauriers qu’il avait si noblement gagnés sur les ennemis de son pays.

— Mille pardons, belle Alida, mais vous connaissez toute la jalouse surveillance de votre oncle et les obstacles qu’il oppose aux désirs que j’ai de causer avec vous.

— Il les oppose en vain, car jusqu’ici l’alderman van Beverout avait cru bien à tort que le sexe et le rang de sa pupille la protégeraient contre ces coups de main.

— Alida, vous êtes plus capricieuse que les vents ! Vous savez trop combien mon amour déplaît à votre tuteur, pour vous plaindre sérieusement d’un manque d’égards à de froides convenances. J’avais espéré… je devrais peut-être dire j’ai présumé, d’après le contenu de votre lettre, dont je vous remercie de toute mon âme… Mais ne détruisez point ainsi un espoir qui s’est élevé depuis peu à un point que la raison peut-être peut justifier.

Les brillantes couleurs qui couvraient les joues d’Alida augmentèrent encore, et pendant un instant, son empire sur elle-même, qu’elle possédait à un si haut degré, parut s’être affaibli. Après avoir réfléchi un moment, elle répondit d’une voix calme, mais qui n’était pas sans émotion :

— La raison, capitaine Ludlow, a limité le pouvoir des femmes : en répondant à votre lettre, j’ai consulté plutôt ma bonté que la prudence, et vous êtes bien prompt à me faire repentir de ma faute.

— Si jamais je vous force à vous repentir de votre confiance en moi, Alida, que la disgrâce dans ma profession et le mépris de tout votre sexe soient ma punition ! Mais n’ai-je pas raison de me plaindre de ce caprice ? devais-je craindre un accueil si sévère… sévère ! plutôt froid et ironique… pour une offense bien légère, puisque je ne voulais que vous assurer de ma gratitude.