Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— À quelle autre puis-je l’attribuer ? la charmante Alida seule pouvait être aussi séduisante.

Les longs cils de la jeune fille s’agitèrent violemment sur ses yeux noirs, et, maîtrisant des passions en opposition les unes aux autres, elle dit avec dignité en prenant un petit pupitre en ébène qui était posé à côté de sa toilette :

— Ma correspondance n’est ni importante, ni très-étendue, mais, telle qu’elle est, heureusement pour la réputation de mon style, sinon de ma raison, je crois pouvoir vous montrer le griffonnage que je vous ai envoyé en réponse à votre lettre : en voici une copie, ajouta Alida en ouvrant un papier et en lisant à haute voix.

« Je remercie le capitaine Ludlow de son attention, et de m’avoir procuré l’occasion de connaître les actions cruelles des boucaniers. À part les sentiments de la simple humanité, on ne peut que regretter que des hommes aussi coupables appartiennent à une profession dont on considère en général les membres comme généreux, et protégeant la faiblesse. Il faut espérer, néanmoins, que la cruauté et la bassesse, parmi quelques marins, n’existent que pour faire briller avec plus d’éclat la noblesse et la loyauté des autres. Personne ne peut être plus convaincu de cette vérité que les amis du capitaine Ludlow (la voix d’Alida s’affaiblit un peu en lisant cette phrase), dont la réputation de générosité est acquise depuis longtemps. En retour, je lui envoie un exemplaire du Cid, que l’honnête François assure être supérieur à tous les autres poèmes, sans excepter ceux d’Homère, ouvrages qu’on peut lui pardonner de calomnier, parce qu’il ignore probablement ce qu’ils contiennent. Je remercie de nouveau le capitaine Ludlow de ses attentions répétées, et le prie de garder le volume que je lui envoie, jusqu’au retour de la croisière. »

— Ce billet n’est qu’une copie de celui que vous avez ou que vous devriez avoir, dit la nièce de l’alderman en levant ses beaux yeux de dessus le papier, quoiqu’il ne soit pas signé comme celui-ci du nom d’Alida de Barberie.

Lorsque cette explication fut achevée, les deux jeunes gens se regardèrent dans le silence de l’étonnement. Cependant Alida s’aperçut que, malgré les compliments précédents de son admirateur, le jeune marin s’applaudissait d’avoir été trompé. Le respect pour la réserve et la délicatesse des femmes est si naturel