Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/84

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aveu n’était pas nécessaire… Je vois que ma vanité m’a même trompé sur l’écriture. Mais puisque l’illusion est détruite, j’avoue que je me réjouis qu’il en soit ainsi.

Alida sourit, et son visage reprit sa sérénité. Elle triomphait de penser qu’elle avait reconquis le respect de son amant, et c’était un triomphe augmenté d’une humiliation récente. Un silence de plus d’une minute succéda, et l’embarras qu’il eût occasionné fut heureusement évité par le retour de François.

— Mademoiselle Alida, voici de l’eau de la fontaine, dit le valet ; mais M. votre oncle est couché, et, comme à l’ordinaire, il a la clé de la cave sous son oreiller. Il n’est pas facile dans aucun cas d’avoir de bon vin en Amérique ; mais lorsque M. l’alderman est couché, cela n’est plus possible du tout.

— N’importe, répondit Alida, le capitaine va partir, et il n’a plus soif.

— Il y a assez de jin, continua le valet, qui ressentait le désappointement que devait éprouver le capitaine, mais monsieur Ludlow a trop de goût pour aimer une liqueur aussi forte.

— Il a eu tout ce qu’il lui fallait ce soir, dit Alida en souriant, de manière à laisser Ludlow indécis s’il devait se plaindre ou se réjouir de ce qui lui était arrivé. Je vous remercie pour lui, mon bon François ; il ne vous reste plus qu’à éclairer le capitaine jusqu’à la porte, et vos devoirs seront remplis pour cette nuit.

Alors, saluant le commandant d’un air qui n’admettait aucune réplique, la belle Alida congédia en même temps son amant et son valet.

— Vous avez une place bien agréable, monsieur François, dit Ludlow en se dirigeant vers la porte du pavillon ; bien des jeunes gens vous l’envieraient.

— Oui, Monsieur, c’est un grand plaisir que de servir mademoiselle Alida. Je porte son éventail, son livre. Mais quant au vin, monsieur le commandant, il est toujours impossible d’en avoir lorsque l’alderman est couché.

— Le livre ! Je crois que c’était pour vous aujourd’hui un devoir fort agréable que de porter le livre de votre maîtresse.

— Vraiment oui. C’était un ouvrage de M. Pierre Corneille. On prétend que M. Shak-a-speare en a emprunté d’assez beaux sentiments.