Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/118

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dole est un bateau léger, long et étroit, convenable à la localité, et différent des barques des autres villes. La distance entre les habitations, sur la plupart idées canaux, est si peu large qu’elle ne permet pas l’usage des avirons des deux côtés de la gondole à la fois. La nécessité de tourner à chaque instant de côté pour faire place aux autres, et la multitude des ponts, ont suggéré l’idée de placer le visage du marinier dans la direction vers laquelle la gondole marche, et par conséquent le marinier est obligé de se tenir debout. Comme chaque gondole originairement a son pavillon au centre, celui qui gouverne est obligé de se placer sur une élévation qui lui permet de voir par-dessus. Par ces différentes causes, un bateau à un seul aviron, dans Venise, est conduit par un gondolier qui se tient sur un petit pont angulaire situé à la poupe, et l’impulsion est donnée à l’aviron par un mouvement qui consiste à pousser la rame en avant, et non à la tirer à soi comme il est d’usage partout ailleurs. Cette habitude de conduire la barque debout n’est pas rare dans tous les ports de la Méditerranée, quoiqu’on ne rencontre nulle part aucun bateau qui ressemble a la gondole, soit dans sa construction, soit dans son usage. La position droite du gondolier exige que le pivot sur lequel repose l’aviron ait une élévation correspondante, et il y a par conséquent une espèce de minot fixé à l’un des côtés de la gondole. Ce point d’appui, d’une certaine hauteur, étant construit avec un bois recourbé et irrégulier, à deux ou trois tolletières[1] les unes au-dessus des autres, pour se prêter à la taille des différents gondoliers, ou pour faciliter le mouvement plus ou moins raccourci du bras, suivant le besoin de la manœuvre.

Comme les occasions de changer l’aviron d’une de ces tolletières à une autre, et souvent même celle de changer de côté, sont fréquentes, les ouvertures sont grandes, et l’aviron n’est contenu dans sa place que par une rare dextérité et par une harmonie parfaite entre l’intensité et la rapidité de l’effort qui fait avancer le bateau et la résistance de l’eau. Toutes ces difficultés réunies font de la science du gondolier une des branches les plus délicates de l’art du marin, puisqu’il est certain que la force musculaire, quoique d’un grand secours, ne passe qu’après l’adresse.

  1. Place pour les avirons du plat-bord d’un canot.