Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/132

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— Votre Altesse, pardon, observa l’inconnu en saluant d’un pas. Si votre bon plaisir est de m’accorder une récompense pour le succès que j’ai obtenu dans la regatta, je demande aussi qu’elle soit donnée sous une autre forme.

— Ce n’est pas l’habitude, et il n’est pas ordinaire que les prix offerts par le doge de Venise soient refusés.

— Je ne voudrais pas être plus importun que le respect ne le permet dans cette assemblée solennelle. Je demande peu de chose ; et en somme cela coûterait peut-être moins à la république que ce qui m’est offert maintenant.

— Parle.

— Moi aussi, à genoux pour rendre hommage au chef de l’État, je demande que la prière du vieux pêcheur soit écoutée, et que le père et le fils soient rendus l’un à l’autre, car cette séparation corrompra la tendre jeunesse de l’enfant et remplira d’amertume la vieillesse du père.

— Ceci devient importun. Qui es-tu, toi qui te présentes, le visage couvert, pour appuyer une demande qui déjà a été refusée ?

— Altesse, je suis le second vainqueur dans la regatta.

— Ne te joue pas de notre bonté dans tes réponses ! La protection d’un masque en tout ce qui ne touche pas la paix de la ville est sacrée ; mais il y a ici matière à perquisition. Ôte ton masque, que nous puissions voir ton visage.

— J’avais entendu dire que celui dont les discours étaient honnêtes, et qui n’offensait en rien les lois, pouvait se déguiser à Venise, sans qu’on eût le droit de l’interroger sur ses affaires ou son nom.

— Cela est vrai en tout ce qui n’offense pas la république ; mais ici il est nécessaire que je sois instruit. Je t’ordonne de te démasquer.

L’inconnu, lisant sur chaque visage la nécessité d’obéir, ôta lentement son masque et découvrit le visage pâle et les yeux brillants de Jacopo. Par un mouvement involontaire, tous ceux qui se trouvaient auprès du Bravo reculèrent, et laissèrent cet homme redouté, debout, seul devant le prince de Venise, au milieu d’un large cercle d’auditeurs surpris et curieux.

— Je ne te connais pas ! s’écria le doge avec une surprise qui attestait sa sincérité, après avoir regardé attentivement Jacopo.