Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/154

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— Sainte mère de Dieu ! n’est-ce pas un motif suffisant que le désir de sauver mon enfant du service des galères ? s’écria Antonio avec une énergie et une simplicité qui se trouvent souvent réunies dans le même caractère. Je pensais que si le doge et le sénat avaient fait peindre un tableau et avaient conféré des honneurs à un pauvre pêcheur pour avoir trouvé la bague, ils en récompenseraient volontiers un autre, en relâchant un jeune homme qui ne peut pas être d’une grande utilité pour la république, et qui est tout pour son grand-père.

— La requête que tu as présentée à Son Altesse, ton succès dans la regatta, et la recherche de la bague ont le même objet ?

— Signore, la vie n’en a plus qu’un pour moi.

Il y eut dans le conseil une légère émotion promptement réprimée.

— Lorsque ta demande fut refusée par Son Altesse, parce que le moment n’était pas bien choisi…

— Ah ! Excellence ! celui qui a des cheveux blancs et dont le bras perd tous les jours de sa vigueur, n’a pas le temps de choisir ses moments dans une telle cause ! interrompit le pêcheur avec un mouvement de cette impétuosité qui forme la base réelle du caractère italien.

— Lorsque ta demande fut refusée, et que tu refusas à ton tour la récompense du vainqueur, tu te rendis parmi tes compagnons, et tu les entretins de l’injustice de Saint-Marc et de la tyrannie du sénat ?

— Signore ; je m’en allai triste et le cœur brisé, car je n’avais pas pensé que le doge et les nobles pussent refuser à un gondolier vainqueur une aussi légère récompense.

— Et tu n’hésitas pas à le dire aux pêcheurs et aux oisifs du Lido ?

— Excellence, je n’en eus pas besoin ; mes compagnons connaissaient mon infortune, et il ne manqua pas de langues pour blâmer la conduite qu’on avait tenue à mon égard.

— Il y eut du tumulte ; tu étais à la tête des séditieux qui proféraient des menaces, et disaient avec de vaines forfanteries ce que la flotte des lagunes pourrait faire contre la flotte de la république ?

— Il y a peu de différence entre elles deux, Signore ; excepté que les hommes de l’une vont dans des gondoles avec des filets,