Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu es bien sombre ce soir, signor Gradenigo. Tu n’as pas l’habitude d’être aussi silencieux avec tes amis.

— Je n’en suis pas moins reconnaissant de leur amitié, Signore. Si j’ai le visage triste, j’ai le cœur content. Celui qui a une fille aussi heureusement mariée que la tienne doit concevoir le soulagement que j’éprouve de voir qu’on a disposé de ma pupille. La joie produit souvent les mêmes effets que le chagrin ; cela peut aller jusqu’aux larmes.

Les deux confrères regardèrent le signor Gradenigo avec une apparence de sensibilité ; puis ils quittèrent tous ensemble la salle des Sentences. Des valets entrèrent, éteignirent les lumières, et laissèrent l’appartement dans une obscurité en harmonie avec ses tristes mystères.


CHAPITRE XIV.


Alors j’entendis une sérénade qui rompu le silence et fit pénétrer l’espérance à travers les murs de pierre.
RogersL’Italie.


Malgré l’heure avancée, on entendait encore sur les eaux une douce harmonie. Les gondoles continuaient à glisser le long des canaux, tandis que les arcades des palais faisaient retentir les échos des éclats de rire et des chansons. La Piazza et la Piazzetta brillaient encore de l’éclat des lumières et étaient remplies d’une foule joyeuse qui ne semblait point connaître la fatigue.

L’habitation de donna Violetta était loin de la scène de ces amusements. Cependant un murmure confus et les sons des instruments à vent arrivaient de temps en temps, adoucis par la distance, jusqu’aux oreilles de ses habitants.

La lune, par sa position, laissait dans l’ombre toute l’étendue de l’étroit passage sur lequel donnaient les fenêtres des apparte-