Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/198

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ville ; où il peut y avoir d’autres gondoles de l’État dans les lagunes ; ou… En un mot, mon père, vous serez plus sûr d’éviter la nécessité d’entendre la confession d’un Bravo, si vous voulez écouter celle d’un vieux pêcheur, qui désire depuis longtemps trouver l’occasion de s’acquitter de ce devoir.

Les hommes possédés d’un même désir n’ont besoin que de peu de mots pour s’entendre. Le carme comprit, comme par instinct, ce que voulait dire son compagnon ; et, rejetant en arrière son capuchon, mouvement qui fit voir les traits du père Anselme, il se prépara à écouter la confession du vieillard.

— Tu es chrétien, lui dit-il, quand ils furent prêts tous deux ; et un homme de ton âge n’a pas besoin qu’on lui apprenne dans quelles dispositions d’esprit il doit être pour s’approcher du tribunal de la pénitence.

— Je suis un pécheur, mon père ; donnez-moi des conseils et l’absolution, afin que je puisse me livrer à l’espérance.

— Sois satisfait. — Ta prière est entendue. — Approche-toi, et mets-toi à genoux.

Antonio, qui avait attaché sa ligne à son banc et arrangé son filet avec son soin habituel, fit un signe de croix avec dévotion et se mit à genoux devant le carme. Il commença alors l’aveu de ses fautes. Le grand chagrin d’esprit du pêcheur prêtait à son langage et à ses idées une dignité que le confesseur n’était pas habitué à trouver dans des hommes de cette classe. Une âme si longtemps mortifiée par les souffrances était devenue noble et élevée. Il fit le récit des espérances qu’il avait conçues pour son petit-fils, et de la manière dont elles avaient été détruites par la politique injuste et égoïste de l’État ; de ses différents efforts pour lui procurer la liberté, et des expédients hardis auxquels il avait eu recours à la regatta et aux noces imaginaires de l’Adriatique. Quand il eut ainsi préparé le carme à comprendre l’origine des passions criminelles dont il était de son devoir de faire l’aveu, il lui parla de ces passions et de l’influence qu’elles avaient eue sur une âme habituellement en paix avec tout le genre humain. Ce récit fut fait avec simplicité et sans réserve, mais d’un ton qui ne pouvait manquer de toucher celui qui l’écoutait.

— Et tu t’es livré à de tels sentiments contre les hommes les plus honorés et les plus puissants de Venise ? demanda le moine en affectant une sévérité qui n’était pas dans son cœur.