Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je confesse ce péché en présence de mon Dieu. Je les ai maudits dans l’amertume de mon cœur : car ils me paraissaient des hommes sans entrailles pour le pauvre et aussi insensibles que les marbres de leurs palais.

— Tu sais que, pour obtenir le pardon, tu dois l’accorder. Oublies-tu cette injure ? Es-tu en paix avec toute la terre ? Peux-tu, en état de charité pour tes semblables, adresser à celui qui est mort pour sauver toute notre race une prière en faveur de ceux qui ont été injustes envers toi ?

Antonio baissa la tête sur sa poitrine et sembla faire l’examen de ses dispositions à cet égard.

— Mon père, répondit-il d’un air contrit, j’espère que je le puis.

— Prends garde de t’abuser toi-même, au risque de ta perdition. Au-delà de cette voûte qui nous couvre, il y a un œil qui perce l’espace et qui pénètre jusque dans les replis les plus profonds du cœur humain. Peux-tu pardonner aux patriciens leurs fautes, en esprit de contrition pour les tiennes ?

— Sainte Marie, priez pour eux comme je le fais maintenant moi-même ! — Oui, mon père, je leur pardonne. — Amen !

Le carme se leva, Antonio restant encore à genoux, et la lune éclairant de ses rayons la tête du bon moine. Levant les bras vers le ciel, il prononça la formule d’absolution avec l’accent d’une pieuse ferveur. Les yeux du pêcheur fixés sur le firmament, ses traits ridés et le saint calme du moine formaient un tableau de résignation et d’espérance dont les anges mêmes auraient aimé à être témoins.

Amen ! amen ! s’écria Antonio en se relevant et en faisant le signe de la croix. Puissant saint Antoine et la Vierge me maintenir dans cette résolution !

— Je ne t’oublierai pas, mon fils, dans les offices de l’Église. Maintenant reçois ma bénédiction, afin que je puisse me retirer.

Antonio fléchit de nouveau le genou, tandis que le carme prononçait d’une voix ferme les paroles de paix. Quand il eut accompli ce dernier acte de son ministère, et qu’ils eurent tous deux donné quelques instants à une prière mentale, le moine fit un signal à la gondole pour qu’elle s’approchât. Les gondoliers firent aussitôt force de rames et arrivèrent en un instant. Deux hommes passèrent sur la barque d’Antonio, et aidèrent le carme,