Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/273

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bateliers maniaient leurs rames en hommes fatigués ou peu pressés. Celui qui la guidait montrait une adresse consommée, quoiqu’il n’employât qu’une seule main, et ses compagnons laissaient quelquefois leurs rames flotter sur l’eau avec indolence. En un mot, elle voguait avec l’air ordinaire de nonchalance d’une barque revenant à la ville après avoir fait une excursion sur la Brenta, ou dans quelques-unes des îles plus éloignées.

Tout à coup cette gondole s’écarta du milieu du canal, sur lequel elle flottait plutôt qu’elle ne voguait, et entra dans un des canaux les moins fréquentés de la cité. À partir de ce moment, elle continua à sillonner l’eau avec plus de promptitude et de régularité, et arriva enfin dans un quartier habité par la classe la plus basse des Vénitiens. Là, elle s’arrêta à côté d’un magasin, et un homme de l’équipage en sortit et s’élança vers un pont. Les autres s’étendirent sur les bancs des rameurs, et parurent se livrer au repos.

Celui qui avait quitté la barque traversa quelques passages étroits, mais ouverts au public, comme il s’en trouve dans chaque partie de la ville. Il frappa légèrement à une fenêtre qui ne tarda pas à s’ouvrir ; et la voix d’une femme demanda le nom de celui qui frappait ainsi.

— C’est moi, Annina, répondit Gino, qui avait déjà bien des fois fait son entrée dans la maison par cette porte de derrière ; ouvre-moi, car je viens pour une affaire très-pressante.

Annina ouvrit la porte, mais non sans s’être assurée que celui qui lui parlait ainsi était seul.

— Tu es venu dans un mauvais moment, Gino, dit la fille du marchand de vin, car j’allais sortir pour aller respirer l’air du soir sur la place Saint-Marc. Mon père et mes frères sont déjà partis, et je ne suis restée que pour fermer la maison.

— Leur gondole ramènera quatre personnes au lieu de trois.

— Ils sont allés par les rues.

— Et tu vas courir les rues toute seule à une pareille heure ?

— Et quand je le ferais, de quoi te mêles-tu ? — Béni soit san Teodoro ! je ne suis pas encore l’esclave du serviteur d’un Napolitain.

— Ce Napolitain est un noble puissant, Annina, en état de commander le respect de ses serviteurs, et disposé à le faire.

— Il aura besoin de tout son crédit. Mais pourquoi es-tu venu