Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/326

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quand celui-ci se fut acquitté des travaux actifs nécessaires pour mettre son navire en mouvement, et quoique des raisons politiques exigent qu’elles s’éloignent de la ville pour un certain temps, on te saura bon gré de consulter leurs désirs.

— Comptez sur moi, maître Roderigo. Mais vous oubliez que je n’ai pas encore reçu mes instructions sur ma destination. Une felouque qui ne sait où elle doit aller est aussi embarrassée qu’un hibou en plein soleil.

— Tu le sauras en temps convenable. Un officier de la république viendra régler cette affaire avec toi. — Je ne voudrais pas que ces nobles dames, tant qu’elles seront près du port, apprissent qu’elles doivent avoir pour compagne de voyage une femme comme Annina ; elles pourraient se plaindre qu’on leur manque de respect. — Tu comprends, Stefano ?

— Cospetto ! suis-je un fou, un sot ? Et si cela est, pourquoi le sénat m’emploie-t-il ? Cette fille ne peut être aperçue d’elles ; qu’elle reste où elle est. Tant que ces nobles dames seront disposées à respirer l’air de la nuit, elles ne seront pas incommodées de sa compagnie.

— Sois tranquille sur ce point. Ceux qui ne sont pas habitués à la mer ne se soucient guère de l’air renfermé d’une cabane. — Tu vas te rendre au-delà du Lido, Stefano, et tu m’y attendras. Si tu ne me revois pas avant une heure après minuit, fais voile pour le port d’Ancône, et tu y recevras de nouveaux ordres.

Stefano, qui avait déjà bien souvent reçu ses instructions du prétendu Roderigo, promit de se conformer à celles qui venaient de lui être données, et ils se séparèrent. On devine que les deux fugitives avaient été instruites de la manière dont elles devaient se conduire.

La gondole de Jacopo n’avait jamais fendu l’eau avec un mouvement plus rapide que celui qu’il lui imprimait en ce moment en la dirigeant vers la terre. Au milieu du passage continuel d’une foule de barques, il n’était pas probable qu’on remarquât les manœuvres de la sienne. Il fut donc assuré en arrivant sur le quai de la place, qu’on n’avait pas observé combien de fois il avait déjà passé et repassé. Il se démasqua hardiment et descendit à terre. L’heure à laquelle il avait donné rendez-vous sur la Piazza à don Camillo Monforte commençait à approcher, et il traversa