Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/338

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— Tu es plus triste que de coutume, Carlo, dit-elle, suivant avec l’intérêt de l’affection ses regards qu’il cherchait à détourner d’elle ; il me semble que tu devrais te réjouir de la bonne fortune du duc napolitain et de la dame Tiepolo.

— Leur bonheur est un rayon de soleil dans un jour d’hiver, bonne Gelsomina. — Mais on nous observe. — Quel est cet espion qui surveille tous nos mouvements ?

— C’est un domestique du palais. Il s’en trouve toujours sur notre chemin dans cette partie du bâtiment. — Es-tu fatigué ? entre ici. Personne ne vient jamais dans cette chambre, et nous pourrons jeter encore un regard sur la mer.

Jacopo suivit sa conductrice dans un des appartements abandonnés du second étage, car dans le fait il était charmé de voir ce qui se passait sur la place avant de sortir du palais. Son premier regard se porta sur la mer, et il vit les vagues se précipiter encore vers le sud, poussées par la brise qui descendait des Alpes. Satisfait de cette vue, il ramena ses regards sur ce qui se passait plus près de lui. En ce moment, un officier de la république sortit du palais, précédé d’un trompette et suivi de quelques soldats, comme c’était l’usage quand le sénat faisait faire une proclamation. Gelsomina ouvrit une fenêtre, et tous deux s’y avancèrent pour écouter. Quand ce petit cortège fut arrivé en face de la cathédrale, la trompette sonna, et la voix de l’officier se fit entendre en ces termes :

— « Attendu que plusieurs assassinats infâmes et barbares ont été commis depuis peu envers les personnes de divers bons citoyens de Venise, le sénat, dans le soin paternel qu’il prend de tous ceux qu’il est chargé de protéger, a jugé à propos d’avoir recours à des moyens extraordinaires pour prévenir le retour de crimes si contraires aux lois de Dieu et à la sécurité de la société ; en conséquence, l’illustre Conseil des Dix offre publiquement une récompense de cent sequins à celui qui découvrira l’auteur de quelqu’un de ces horribles meurtres. Et attendu que la nuit dernière le corps d’un certain Antonio, pêcheur bien connu et digne citoyen fort estimé des patriciens, a été trouvé dans les lagunes, et qu’il n’y a que trop de raisons pour croire qu’il a perdu la vie par le fait d’un nommé Jacopo Frontoni, qui passe pour un bravo, et que les autorités ont fait épier depuis longtemps, mais toujours en vain, dans l’espoir de le surprendre sur le fait, commet-