Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/60

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— Je ne sais pas ; mais la soirée est si belle, et il me semble que j’aimerais à partager les plaisirs du dehors.

— Il y en a plus d’un sur les canaux qui voudrait partager les fêtes de ton palais. Il en est toujours ainsi dans la vie : nous attachons peu d’importance à ce que nous avons, et ce que nous ne possédons pas est sans prix.

— J’ai à rendre mes devoirs à mon tuteur, dit Violetta, et nous voguerons vers son palais.

Quoique donna Florinda eût prononcé des paroles si graves, son visage n’annonçait aucune sévérité. Mettant de côté son ouvrage, elle se prépare à satisfaire les désirs de son élève. C’était l’heure à laquelle les personnes de distinction sortent de leur palais, et jamais Venise avec la gaieté de ses places publiques, jamais l’Italie avec son doux climat, n’avaient présenté une si agréable tentation de chercher le grand air.

Le valet de chambre appela les gondoliers, et les dames, s’enveloppant dans leurs mantilles et prenant leurs masques, se rendirent promptement dans la barque.


CHAPITRE V.


Si votre maître veut voir une reine mendier, dites-lui de ma part que sa dignité exige qu’elle ne mendie pas moins qu’un royaume.
Shakspeare. Antoine et Cléopâtre. 


Le mouvement régulier de la gondole amena bientôt la noble Vénitienne et sa compagne à la porte du patricien qui avait été chargé par le sénat de la tutelle de l’héritière. C’était une antique demeure dont l’extérieur annonçait toute la lourde magnificence qui caractérisait alors l’habitation des patriciens dans cette ville de richesse et d’orgueil. Son architecture, quoique moins imposante que celle qui distinguait le palais de donna Violetta, la clas-