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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/13

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ostentation prétentieuse qui neutralise ces avantages chez des gens plus artificieux. La maison n’était point un caravansérail où l’on boit de la bière et l’on fume, comme dans la plupart des hôtelleries de cette partie de l’Europe ; mais il y avait des pavillons détachés dans les jardins, sous lesquels les voyageurs fatigués pouvaient littéralement se livrer au repos. Toutes ces considérations différentes nous déterminèrent à nous arrêter, et nous ne tardâmes pas à instruire l’honnète bourgeois de notre résolution. Cette nouvelle fut reçue avec une grande politesse, et, comme l’immortel Falstaff, je commençais à entrevoir l’espoir — de prendre mes aises dans une auberge — sans y être friponné.

On remisa promptement la voiture, et on porta nos bagages dans nos appartements. Quoique les gens de la maison parlassent avec confiance, et pourtant avec modestie, de l’état du garde manger, il s’en fallait encore de quelques heures que le moment de notre dîner fût arrivé. Nous avons souvent trouvé l’occasion de remarquer qu’en Allemagne un repas n’est jamais hors de saison. Des questions, qui semblaient plutôt dictées par la bienveillance que par l’amour du gain, nous furent adressées sur l’heure à laquelle nous nous mettions à table ; puis, comme pour changer la conversation, je demandai :

— N’ai-je pas vu quelques ruines sur la montagne, en entrant dans le village ?

— Nous appelons Duerckheim une ville, mein Herr, répondit notre hôte ; bien qu’elle ne soit pas des plus grandes, on a vu le temps où elle était une capitale !

En prononçant ces mots, le digne bourgeois quitta sa pipe et se mit à rire ; car c’était un homme qui avait entendu parler de Londres, de Paris, de Pékin, de Naples, de Saint-Petersbourg, et peut-être, par hasard, de la ville fédérale elle-même

— Une capitale ! C’était probablement la demeure d’un peut prince d’Allemagne ? De quelle famille était votre souverain, je vous prie ?

— Vous avez raison, mein Herr. Duerckheim, avant la révolution française, était une résidence (car c’est ainsi qu’on appelle en Allemagne les capitales politiques), et cette ville appartenait au prince de Leiningen, qui avait un palais de l’autre côté de la ville (ce lieu peut être environ moitié aussi grand que Hudson ou Schenectady), lequel palais fut brûlé pendant les troubles. Après