Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une courte et pénible pause. Parlons plutôt de ce qui vous regarde, comte Emich. On dit que vous méditez la ruine de ce saint monastère ; que l’ambition et la cupidité vous engagent à désirer la chute de notre abbaye, afin qu’il n’y ait plus d’intermédiaire entre votre pouvoir baronial et le trône de l’Électeur !

— Tu es plus prompt à te former des opinions injustes de ton plus proche voisin, que du plus grand ennemi de l’Église, à ce qu’il paraît, père prieur. Qu’as-tu vu en moi qui puisse porter un homme aussi charitable que toi à hasarder cette accusation ?

— Je ne hasarde que ce que tout notre couvent pense et craint. Avez-vous bien réfléchi, Emich, à cette sacrilège entreprise, et aux fruits qui peuvent en résulter ? Vous rappelez-vous dans quel but ces saints autels furent élevés, et quelle fut la main qui posa la première pierre de l’édifice que vous voulez renverser ?

— Écoutez, père Arnolph, il y a deux manières d’envisager l’érection de votre couvent, et plus particulièrement de l’église où nous sommes. Une de nos traditions dit que l’ennemi du genre humain lui-même tint la truelle dans cette maçonnerie.

— Vous êtes d’un trop haut lignage, d’un sang trop noble, et d’un esprit trop éclairé pour donner crédit à une pareille fable.

— Ce sont des questions que je ne prétends pas approfondir. Je ne suis point un écolier de Prague ou de Wittenberg pour les résoudre savamment. Ta confrérie aurait dû se laver de cette imputation en temps et lieu, afin que cette question fût terminée pour ou contre, comme la justice le réclamait, lorsque ce qu’il y avait de grand et de savant parmi nos pères était assemblé à Constance, dans un concile général.

Le père Arnolph regarda son compagnon avec tristesse ; il connaissait trop bien l’ignorance déplorable et la superstition qui en était le résultat, même parmi les grands de son siècle, pour manifester aucune surprise ; mais aussi il connaissait assez le pouvoir de ces mêmes seigneurs, pour prévoir les tristes conséquences d’une union entre tant de force et d’ignorance. Cependant il n’entrait pas dans son but de combattre des opinions qui ne pouvaient être effacées que par le temps et l’étude, si elles peuvent jamais l’être lorsqu’elles sont enracinées dans le cœur humain. Il poursuivit son dessein, évitant une discussion dans un moment où elle aurait pu faire plus de mal que de bien.

— Il est vrai que le doigt du malin esprit se mêle plus ou moins