Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/134

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aux choses humaines, continua-t-il, prenant soin que l’expression de son regard n’éveillât ni l’orgueil ni l’obstination du noble baron ; mais lorsque les autels ont été élevés, et lorsqu’on y a célébré le service du Tout-Puissant pendant des siècles, on peut espérer avec raison que l’Esprit-Saint préside avec majesté et amour au monument ! Il en est ainsi de l’abbaye de Limbourg, comte Emich, et n’en doutez pas ; nous qui sommes ici discutant sur un pareil sujet, nous sommes en la présence immédiate de cet Être redouté qui créa le ciel et la terre, qui nous guide pendant la vie, et qui nous jugera après notre mort !

— Dieu vous bénisse, père prieur ! tu as déjà fait l’office de prédicateur ce matin, et je ne vois pas pourquoi tu doublerais une fonction dont tu t’es si bien acquitté la première fois. Je n’aime pas à être introduit si brusquement sans être annoncé devant l’Être redouté dont tu viens de parler. Ne fût-ce que l’électeur Frédéric, Emich de Leiningen ne se permettrait point une telle familiarité sans se demander si elle est convenable ou non.

— Aux yeux de l’Être dont nous parlons, les électeurs et les empereurs sont égaux. Il aime les humbles, ceux qui sont miséricordieux et justes, et il punit ceux qui défient son autorité. Mais vous avez nommé votre prince féodal, et je vais vous adresser une question plus en rapport avec vos habitudes : Vous êtes en effet, Emich de Leiningen, un noble en renom dans le Palatinat, et dont l’autorité est établie depuis longtemps dans le pays. Cependant vous n’êtes que le second, et même que le troisième dans le canton même. L’électeur et l’empereur vous tiennent en échec, et l’un et l’autre sont assez forts pour vous écraser à leur plaisir dans votre forteresse d’Hartenbourg.

— J’en accorde les moyens au dernier, digne prieur, interrompit le comte ; mais, quant au premier, il faut qu’il l’emporte sur ses propres ennemis avant que d’entreprendre cette conquête.

Le père Arnolph comprit ce qu’Emich voulait dire, car tout le monde savait que Frédéric était assis sur un trône chancelant. On savait aussi que cette circonstance avait encouragé les projets, qu’avait depuis longtemps formés le comte, de se débarrasser d’une communauté qui contrariait ses vues et diminuait son autorité.

— Laissant de côté l’électeur, nous ne parlerons que de Charles-Quint, répondit le religieux. Vous le croyez dans son palais,