Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/149

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par ses inclinations mercenaires. Il quitta son siège comme un homme qui ne voyait plus de nécessité à feindre davantage, et parla directement du motif de l’entrevue.

— Tu as quelque chose à nous communiquer sur le château d’Hartenbourg, Gottlob ?

— Si le bon plaisir de Votre Révérence est d’écouter.

— Parle : peux-tu nous dire quelque chose sur les forces qui sont enfermées au château du comte ?

— Monseigneur l’abbé, ce n’est pas une chose facile que de compter les varlets qui vont et qui viennent depuis le moment où le soleil touche les tours de l’abbaye jusqu’à ce qu’il se couche derrière le Teufelstein.

— N’as-tu pas les moyens de les diviser en parties, et ensuite d’en faire l’énumération ?

— Saint abbé, cette expérience m’a manqué. Je les ai divisés en deux parties, celle des ivrognes et celle des gens sobres. Mais, sur ma vie, je ne les ai jamais vus assez longtemps d’une égale humeur pour compter ceux qui étaient dans les greniers ou dans les caves ; car, tandis que celui-ci dormait après une débauche, celui-là avalait coupe sur coupe, de manière à remplacer les ivrognes aussitôt qu’ils manquaient. Il serait plus facile de connaître la politique de l’empereur que de compter les soldats du comte Emich !

— Cependant ils sont nombreux ?

— Oui ou non ; cela dépend de la manière dont on envisage les militaires. S’il s’agissait de mettre à sec une barrique de vin, le duc Frédéric trouverait que c’est un corps nombreux, même s’il était question de sa tonne d’Heidelberg ; et cependant je doute qu’il trouvât que ce fût une troupe assez considérable pour la guerre dans laquelle il s’est engagé.

— Retire-toi, tu n’es pas assez précis dans tes réponses pour l’affaire que tu as entreprise. Rends l’or que tu as reçu, si tu nous refuses tes services.

— Je vous prie, révérend abbé, de vous rappeler les risques que j’ai déjà courus dans cette affaire désespérée, et de penser que la bagatelle que vous m’avez si généreusement accordée est déjà plus que gagnée, par le danger de perdre mes oreilles, pour ne rien dire de la perte de ma réputation et de quelques remords de conscience.