Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rike étaient supérieures à celles de son mari, et il avait une expérience suffisante pour être convaincu de l’importance de concilier un tel allié à ses projets. Ce fut donc dans cet esprit qu’il se hasarda de réprimander Heinrich, et de faire un compliment à sa femme ; hasardant probablement cet éloge par la conviction intime que la plupart des maris sont satisfaits des louanges qu’on accorde à des êtres si complètement en leur pouvoir que leur propre femme.

— Puisque tel est votre bon plaisir, Monseigneur comte, ma femme peut entrer, répondit Heinrich sans changer une attitude si douce à son amour-propre. Si elle me voit assis en présence d’un homme devant lequel je devrais plutôt être à genoux, cela lui fera connaître que Dieu lui a donné un mari qui n’est pas sans posséder l’estime du monde, quoiqu’il la mérite peu. Entre donc librement, bonne Ulrike, puisque Monseigneur le désire, mais ne t’enorgueillis pas trop de sa condescendance envers moi, qui est une preuve de son grand amour pour notre ville et n’a aucun rapport avec les affaires de notre intérieur.

— Pour tout ce que le noble comte a fait dans le but de nous honorer, soit comme habitants de Duerckheim, soit comme ses indignes voisins, j’éprouve une respectueuse reconnaissance, répondit Ulrike qui s’était remise de sa surprise et qui avançait dans cet étroit appartement avec le calme et la modestie qui distinguaient toutes ses manières. Si je ne vous interromps pas, je vous demande d’être entendue de vous deux sur une affaire qui touche de près le cœur d’une mère ; et comme il sera question de la fille d’Heinrich Frey, j’espère que ce sujet ne sera pas indifférent pour Monseigneur.

— Il ne serait pas mieux venu s’il s’agissait de ma petite Cunégonde elle-même, dit le comte. Parlez librement, aimable Ulrike, et avec la même simplicité que si vous vous entreteniez seulement avec votre mari.

— Tu entends, femme ; Monseigneur le comte entre dans toutes nos tribulations et notre bonheur, comme s’il était un frère. Ainsi enhardis-toi et parle-nous franchement ; bien que je te conseille de ne pas mettre dans ta manière de parler la familiarité des conversations de ménage.

— Comme c’est un sujet qui nous touche de bien près, je demande la permission de fermer la porte avant de parler.