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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/163

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— Entrez sans crainte, ma bonne Ulrike, dit Emich d’un air gracieux ; votre mari et moi causons amicalement tandis que mes valets préparent le banquet ; ne craignez point de nous interrompre.

— J’hésite seulement, noble Emich ; parce que je vois Heinrich Frey assis, tandis que le seigneur d’Hartenbourg reste debout à ses côtés.

— Ne parle point de cela, ma femme, dit le mari avec condescendance : tu es une charmante compagne, et tu tiens assez bien ta place parmi les femmes, on dans des positions qui conviennent à tes moyens ; mais dans des affaires comme celle-ci, tu gâterais seulement ce que tu ne pourrais raccommoder.

— Par la vie du prince Charles ! maître Heinrich, vous ne rendez pas une justice suffisante au discernement de votre femme. Si mon Hermengarde était ici, vous verriez que nous prisons votre charmante compagne presque autant que nous vous estimons. Mais il vaut mieux que nous nous informions de ce qui nous procure la visite d’Ulrike, avant de la gronder sur sa conduite.

Bien que grossier et sans culture sur plusieurs points qui sont maintenant jugés essentiels, même dans les pays où la civilisation n’est pas fort avancée, Emich avait le coup d’œil sûr pour juger les caractères, et possédait autant de cette politesse qui distingue un homme de bonne naissance, que le siècle où il vivait et la position de son propre pays le permettaient.

Ou se tromperait grandement si l’on supposait que le rang seulement est un gage certain de courtoisie, puisque chaque chose est relative dans ce monde, et que, lorsque la base d’une colonne est grossière et raboteuse, ce serait violer les lois de l’architecture, que de désirer que le chapiteau fût d’un style différent. C’est ainsi que nous autres qui n’avons dans notre hiérarchie sociale d’autres rangs que des rangs de convention, nous sommes choqués de tant de contradictions marquantes chez des peuples dont les patriciens, ayant étudié tout ce qui était factice et plausible dans les manières de l’homme bien élevé, sont encore défectueux dans tout ce que l’humanité et la raison ont de plus essentiel, simplement parce que les racines de la société dont ils sont les branches les plus riches en séve ont été plantées sur un sol d’ignorance et d’avilissement. Le comte d’Hartenbour avait eu de nombreuses occasions de reconnaître combien les facultés intellectuelles d’Ul-