Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saint Benoît, le jeune homme ne manquera pas d’appui. Mais une faveur mérite sa récompense. Si je protége cette affaire du mariage de votre fille, mon Ulrike, en retour, j’attends un service non moins important pour moi.

La femme du bourgmestre leva les yeux sur Emich avec une grande surprise. Une femme qui n’eût pas conservé aussi pur le respect qu’elle se devait à elle-même aurait pu douter de ce qu’elle entendait. Mais les regards d’Ulrike n’exprimaient que la curiosité et l’innocence.

— Vous mériterez bien plus que je ne pourrai vous accorder, seigneur comte, si vous pouvez assurer le bonheur de Meta.

— Belle dame, dit le comte en s’asseyant près d’Ulrike, et en prenant sa main avec la liberté d’un supérieur et celle que les usages autorisaient, tu sais de quelle manière ces bénédictins troublent depuis longtemps la vallée ; possédant la confiance de ton mari, tu dois avoir soupçonné que, fatigués de leur insolence et de leurs exactions, nous avons sérieusement songé aux moyens de les réduire à la modestie qui convient à leur sainte profession, et qui leur siérait mieux que leurs prétentions.

Emich s’arrêta, regardant avec attention le visage calme de la belle Ulrike. Il avait sans le savoir touché un sujet qui avait été le principal motif pour lequel Ulrike était venue surprendre les deux conspirateurs. Elle soupçonnait depuis longtemps les intentions du comte, et bien qu’elle sentît une profonde inquiétude sur l’avenir de Meta, et qu’elle eût profité avec plaisir d’une occasion si favorable de rompre la glace sur un secret qu’elle devait révéler tôt ou tard, son but principal était de prévenir Heinrich des conséquences probables du complot. Dans cette disposition, elle entendit avec un secret plaisir ce que lui disait le comte Emieh, et elle se prépare à lui répondre comme elle le méditait depuis longtemps.

— Tout ce que vous dites, seigneur comte, repliqua-t-elle, a depuis longtemps frappé mon esprit, et je regrettais profondément que ceux que j’honore et que j’aime eussent projeté de coupables outrages contre les autels, et tramé d’odieux artifices pour interrompre les louanges de Dieu.

— Comment ! appelez-vous les criailleries de ces coquins, des louanges ? ce n’est que de l’hypocrisie, s’écria Emich. Ne sont-ils pas les instigateurs de la plupart de nos péchés par leur exemple,