Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/177

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les soutiens de toutes les querelles et de tous les troubles dans le voisinage ? Considérez, bonne Ulrike, que le ciel n’est pas un champ où nous soyons poussés en aveugles ; mais faisant partie du troupeau, n’avons-nous pas au moins le droit, comme nous en avons les moyens, de juger si les bergers sont convenables ou non à leur emploi ?

— Et s’ils étaient indignes de leur devoir, d’où avons-nous reçu le droit de les attaquer ?

— Par le Dieu vivant ! bonne dame, nos épées comptent-elles pour rien ? Un nom noble, une longue suite d’aïeux, des droits établis depuis des siècles pour commander, et un cœur courageux pour entreprendre, n’est-ce donc là rien non plus ?

— Lorsque toutes ces choses se dirigent contre le Tout-Puissant, elles ressemblent aux feuilles de nos forêts, chassées par la tempête ; elles sont moins encore que les flocons de neige qui viennent se fondre en hiver contre les tourelles de votre château. Limbourg fut élevé en l’honneur de Dieu, et celui qui portera la main sur ses murailles sacrées pourra s’en repentir dans le malheur. S’il y a d’indignes ministres des autels, il y en a aussi qui sont des anges sur la terre ; et s’il n’en était pas ainsi, la mission est trop haute pour être souillée par les faiblesses de ceux qui abusent de la confiance qu’on leur accorde.

Le comte était troublé, car Ulrike parlait avec chaleur, et sa voix avait une douce persuasion. Il appuyait son menton sur une main, comme un homme qui réfléchit aux hasards d’une entreprise.

— Que pensez-vous, Ulrike, de ce religieux de Wittenherg ? demanda-t-il enfin ; si nous avions besoin d’une autorité ecclésiastique pour abaisser la fierté de Limbourg, pourrions-nous nous adresser à lui comme à un homme honnête et éclairé ?

— Je suis de ceux qui pensent que le frère Luther est honnête. Je suis aussi une de celles qui pensent qu’il est dans l’erreur, mais il est loin de conseiller la violence.

— Par saint Benoît ! Ulrike, vous vous êtes entretenue avec le père Arnolph sur cette question ; un écho ne répète pas plus fidèlement les sons que vous ne répétez les sentiments du prieur.

— Il n’est pas étonnant que ceux qui aiment Dieu pensent et parlent de même dans une affaire qui se rapporte à lui. Je n’ai rien dit de vos desseins au père Arnolph, ni à aucune autre per-