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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/201

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Duerckheim, et nous sommes à peine aussi bons que la pauvre Lottchen et Berchthold.

Un plus profond soupir trahit le mécontentement de Heinrich.

— Laissez ces braves gens tranquilles, répondit-il, puisque chacun doit être sauvé ou damné pour son propre compte. Que Lottchen et son fils prennent le lot que la Providence leur envoie, nous devons maintenant nous occuper d’affaires sérieuses. Je voudrais raisonner gravement avec toi, et j’ai besoin que tu me prêtes la plus grande attention. Il est donc convenu que je suis mortel ; vous devez être certaine, Meta, que je ne parle point d’une chose aussi triste sans nécessité ; il s’ensuit que, tôt ou tard, nous serons séparés, et tu resteras orpheline. Ce grand malheur peut nous arriver beaucoup plus tôt que tu ne le penses ; car, je le répète, nous vivons dans des temps périlleux, où une tête chaude et du courage peuvent conduire un homme à une fin prématurée.

Le bras de Meta s’attacha avec plus de force à la taille du bourgmestre, qui prit cette douce pression pour une preuve du chagrin que cette supposition causait à sa fille.

— Pourquoi me parles-tu ainsi, s’écria-t-elle, puisque tu sais que cela nous rend tous les deux malheureux ? Quoique jeune, je suis peut-être destinée à partir la première.

— Cela est possible, mais peu probable, répondit Heinrich d’un air mélancolique. En donnant à la nature ses chances ordinaires, Je précéderai même ta mère, puisque j’ai dix bonnes années de plus qu’elle ; et quant à toi, je crains bien que tu n’aies le malheur de devenir orpheline. Dieu sait quelle sera l’issue de ces guerres qui nous entourent ; mais je crois qu’il est sage de se préparer à tout ; Lorsque le triste jour de la séparation arrivera, tu seras avec un digne soutien, qui protégera ta jeunesse et ton inexpérience.

— Mon père !

— Je veux parler de l’argent, ma fille, qui est une bénédiction ou une malédiction, suivant la manière dont on l’emploie. Si je mourais subitement, bien des galants oisifs et libertins te feraient la cour, jurant par leurs moustaches, par leur barbe, que tu leur es plus chère que l’air qu’ils respirent ; quand, pour dire la vérité, leur plus grand désir sera de voir ce que le défunt bourgmestre a laissé. Il y a beaucoup de difficultés à marier heureusement une