Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/211

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Là elles s’assirent l’une et l’autre dans un profond silence pour reprendre haleine. Le sentier par lequel elles avaient monté les avait conduites vers l’extrémité de la montagne qui dominait la vallée.

Le ciel était couvert de nuages en flocons, qui obscurcissaient la lumière de la lune, de manière à rendre tristes et incertains les objets qu’on distinguait au bas de la montagne, quoique, de temps en temps, cet astre si doux semblât voguer dans un champ d’azur, éclairant subitement tout ce qui se trouvait au-dessous de lui. Mais ces éclaircies momentanées étaient trop brusques pour permettre à l’œil de s’habituer au changement, et avant qu’il pût rien distinguer, la vapeur revenait de nouveau intercepter les doux rayons. Comme pour ajouter au caractère mélancolique de cette soirée, les sons plaintifs du vent se faisaient entendre au milieu des cèdres.

Un profond soupir poussé par celle qui, à son air et sa mise, semblait être d’un rang supérieur à l’autre, parut à sa compagne une permission de parler.

— Bon ! trois fois dans ma vie, dit-elle, j’ai gravi cette montagne la nuit, et peu de femmes de mon âge pourraient le faire en plein jour.

— Écoute, Ilse, n’entends-tu rien d’extraordinaire ?

— Rien que ma propre voix ; et pour une personne aussi silencieuse, c’est en effet quelque chose d’un peu extraordinaire.

— Il me semble réellement que j’entends un autre bruit. Viens vers la ruine ; je crains que nous ne soyons sorties dans un dangereux moment.

Toutes les deux se levèrent, et il ne se passa qu’une minute avant que leurs personnes ne fussent cachées, et il eût fallu un œil bien curieux pour remarquer leur présence. Il était évident que des pas se faisaient entendre presque dans la même direction. Ilse trembla, mais sa compagne, plus maîtresse d’elle-même, et mieux soutenue par sa raison, était autant et peut-être plus excitée par la curiosité que par la crainte. La hutte en ruine dans laquelle elles étaient cachées se trouvait sous le couvert des cèdres où pénétrait une lueur à peine sensible. Cependant ce fut à cette faible lueur quelles aperçurent une troupe d’hommes traverser le camp. Ils venaient deux à deux ; leur marche était rapide et presque sans bruit. Une armure qui brilla lorsqu’ils passèrent sous