Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/212

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un endroit moins couvert d’arbres, avertit les deux femmes que c’étaient, des soldats.

Cette troupe était nombreuse, elle se composait de plusieurs centaines d’hommes. Elle venait du Jaegerthal, et, avec promptitude et silence, elle passait sous les cèdres et paraissait se rendre dans les plaines du Rhin.

Lorsque ces soldats, qui dans l’obscurité semblaient autant de fantômes, se furent éloignés, Ilse parut recommencer à vivre.

— En vérité, dit-elle, on croirait que ce sont des hommes : d’où viennent-ils ? vont-ils visiter le saint ermite ?

— Ne le pense pas. Ils sont descendus par les derrières de Duerckheim, et seront bientôt loin du lieu que nous désirons atteindre.

— Sainte Vierge ! quelle est l’origine de ces hommes et leur message sur la terre ?

Cette exclamation d’Ilse trahissait suffisamment la nature de son doute, quoique le calme de sa compagne prouvât assez que, maintenant que les hommes armés avaient disparu, elle n’éprouvait plus aucune crainte.

— Ceci peut être ou n’être pas un heureux présage, répondit l’autre en réfléchissant. Ils étaient en grand nombre et paraissaient des guerriers de belle apparence !

— Trois fois j’ai visité ce camp pendant la nuit, et jamais, jusqu’à ce jour, je ne m’étais crue destinée à voir ses habitants ! pensez-vous que ce soient des Romains, ou bien des soldats du roi des Huns ?

— Ce sont des hommes vivants. Mais n’oublions pas le but de notre voyage.

Sans permettre de nouvelles réflexions, celle qui paraissait la maîtresse se dirigea vers la hutte de l’ermite. Ses pas étaient timides et mal assurés ; car, quoique la réflexion lui donnât de la force, la subite apparition de ces troupes silencieuses au milieu du camp abandonné aurait pu effrayer une personne même plus hardie.

— Repose sur ce pan de muraille tes membres fatigués, bonne nourrice, dit la femme voilée, tandis que je vais entrer dans l’ermitage, tu m’attendras ici ;

— Allez à la grâce de Dieu. Parlez convenablement à l’anachorète ; que votre âme s’abreuve de calme et de bonnes paroles ;