Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/229

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mettant en campagne dans cette circonstance, chacun de ces braves gens avait jugé convenable de consulter sa digne compagne, de sorte que les casques, les boucliers et les cuirasses étaient en majorité.

Lorsqu’il eut rejoint ses compagnons, et qu’il se fut assuré de leur nombre et de leur exactitude, le bourgmestre, qui ne manquait point de courage, fit ouvrir la poterne, et sortit lui-même le premier dans la plaine. Les bourgeois suivirent dans l’ordre qui leur avait été assigné, et en observant le plus profond silence. Au lieu de prendre la route directe qui conduisait à la gorge de la montagne, Heinrich traversa la petite rivière sur un pont particulier, et suivit un sentier qui le conduisit au sommet de la plus avancée des montagnes, de ce côté de la vallée. Le lecteur doit comprendre que, par suite de ce mouvement, la petite troupe se trouva sur celle qui était exactement en face de l’Heidenmauer. À l’époque dont nous parlons, des cèdres croissaient également sur les deux hauteurs, de sorte que la marche des bourgeois se trouva naturellement masquée par leur ombrage. Il fallut une demi-heure pour y arriver avec toutes les précautions convenables ; mais, une fois sur la montagne, ils parurent se croire hors de tout danger d’être découverts : ils n’observèrent plus le même ordre et le même silence, et leurs chefs eux-mêmes commencèrent à causer entre eux ; cependant leur conversation eut lieu à demi-voix, comme celle de gens qui sentaient qu’ils étaient engagés dans une entreprise hasardeuse.

— On dit, voisin Dietrich, commença le bourgmestre, parlant à un vigoureux forgeron qui remplissait dans cette occasion les fonctions de lieutenant du commandant en chef, honneur qu’il devait surtout à la puissance de son bras, et qui, enhardi par son grade temporaire, s’était rapproche d’Heinrich : — On dit, voisin Dietrich, que ces bénédictins sont comme des abeilles, qui ne sortent jamais que dans la saison où il y a quelque chose à récolter, et qui rentrent rarement dans leurs ruches sans être chargées d’un riche butin. Tu es un homme solide et de bon sens, toi ; un homme qui ne se laisse pas éblouir par les vains discours des désœuvrés ; un bourgeois qui connaît ses droits, ou, ce qui revient au même, ses intérêts, et qui comprend bien la nécessité de conserver dans leur intégrité toutes nos vénérables lois et coutumes, du moins en ce qui concerne le bien-être de ceux qui peuvent