Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait pas bien de la part d’hommes aussi bien élevés que nos amis, de fausser compagnie au moment du danger.

— Soyez tranquille, mon bourgmestre. Je connais les drôles ; ils se seront arrêtés comme nous pour alléger un peu le poids de leurs bissacs en se rafraîchissant. — Mais voyez-vous comme les bénédictins affectent d’être tranquilles ?

— Voilà bien leur hypocrisie ordinaire, brave Dietrich ; mais nous les débusquerons ! Notre entreprise tournera à bien ; car, vois-tu, notre énergie, en démontrant à jamais la nécessité de ne point se mêler des affaires de son voisin, va mettre fin à toute espèce de contestation entre nous. Par les rois de Cologne ! y a-t-il moyen de supporter qu’un moine dame le pion à un bourgeois jusqu’au jour du jugement ! — N’y a-t-il pas de lumière dans la chapelle de l’abbaye ?

— Les révérends pères prient contre leurs ennemis. Ne pensez-vous pas, mon bourgmestre, que l’histoire qu’on raconte sur la manière dont ces lourdes pierres ont été transportées sur la montagne de Limbourg, a reçu quelques enjolivements à force d’être répétée ?

— C’est très-possible, Dietrich ; car une histoire, c’est comme la boule de neige, qui grossit à mesure qu’on la roule.

— Et l’or, mon bourgmestre, répondit le forgeron avec un gros éclat de rire qui ne pouvait déplaire à son commandant, puisqu’il annonçait clairement l’idée qu’il se faisait du talent de maître Heinrich pour arrondir sa fortune ; — l’or est encore une chose qui grossit merveilleusement quand on sait le faire rouler. Je pense comme vous ; car, à dire vrai, je doute fort que l’esprit malin se fût amusé à porter les matériaux de peu de poids qui ont servi à la construction de l’édifice. Quant aux colonnes massives, aux énormes pierres de taille et autres fardeaux d’importance, c’est autre chose ; il peut très-bien s’en être mêlé, car ce n’était pas déroger à son caractère. Je n’ai jamais contredit cette partie de la légende, qui paraît même très-vraisemblable ; mais… Ah ! voilà du renfort !

L’approche d’une troupe, qui semblait venir d’Hartenbourg et qui avait soin de côtoyer les monts, et de se tenir sous leur ombre, absorba l’attention générale. Ce corps était trois fois plus nombreux que celui des bourgeois ; il était également armé, tout y annonçait également de grands préparatifs militaires. Quand il se