Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/252

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CHAPITRE XX.


Celui qui porte l’épée du ciel doit être aussi saint dans sa vie qu’austère dans ses mœurs.
ShakspeareMesure pour mesure.



Les premiers regards qu’échangèrent Emich et Boniface exprimaient ces passions qu’ils avaient si longtemps dissimulées l’un et l’autre, et que le lecteur a déjà entrevues pendant les moments d’oubli de la dernière orgie. Sur le front du comte, l’expression du triomphe se mêlait ouvertement à celle de la haine ; tandis que la figure de l’abbé conservait encore un vernis d’artifice et de réserve, masque dont il jugeait rarement à propos de se dépouiller entièrement.

— C’est donc à toi que nous devons cette visite, seigneur Emich ? dit l’abbé en s’efforçant de paraître calme.

— À moi et à ton mérite, très-révérend Boniface.

— Que veux-tu, audacieux baron ?

— La paix dans cette vallée, si souvent saccagée, — l’humilité sous la tonsure, — la religion sans hypocrisie, — et mon bien.

— Je ne te parlerai pas du ciel, homme arrogant, car ce serait blasphémer ce mot, que de le prononcer en ta présence ; mais es-tu donc assez aveugle sur tes intérêts purement mondains, pour ne pas craindre la vengeance de l’empire ? As-tu bien compté ton or, et es-tu sûr que tes coffres soient assez pleins pour rebâtir le saint édifice que tes mains voudraient renverser, ou penses-tu que tes richesses puissent remplacer toutes les offrandes faites depuis des siècles par de pieux monarques, à une église qui a été l’objet d’une si longue vénération ?

— Quant à tes vases et à tes pierres précieuses, respectable abbé, j’aurai soin de les conserver pour les reproduire au besoin, ce qui, je l’espère, n’arrivera jamais ; et quant aux dépenses