Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/251

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verse d’une noble entreprise ! dit le bourgmestre, qui, en dépit de lui-même, avait été sensiblement touché de ce tableau rapide, mais énergique, de ses devoirs domestiques, et qui était fort embarrassé pour trouver les moyens de sortir de la position dans laquelle il se trouvait. Tu serais beaucoup mieux dans ta chambre, ma bonne Ulrike. Meta va entendre parler de cette affaire, et elle prendra l’alarme. Va vite la rassurer, tu auras une escorte telle qu’il convient à ma dignité et à ton mérite.

— Berchthold, c’est à toi que j’adresse mon dernier appel. Ce père cruel, cet époux insouciant, est trop occupé de son conseil et des prétendus intérêts de sa ville pour songer encore à Dieu. Mais toi, tu as de jeunes espérances, tu as des sentiments qui conviennent à ton âge et à ton caractère. Penses-tu, imprudent, qu’une fille comme Meta risquera de confier sa dernière chance de bonheur au complice de cet attentat, quand elle n’aura elle-même d’autre dot à lui apporter que sa part de responsabilité dans le crime de son père ?

Un mouvement qui se fit parmi les moines, qui jusque-là avaient écouté avec une attention partagée entre la crainte et l’espoir, empêcha le bourgmestre incertain et son jeune compagnon de lui répondre. Ce mouvement était causé par l’approche du groupe qui jusqu’alors s’était tenu à l’écart au fond de la nef, mais qui saisit ce moment d’indécision pour s’avancer au milieu du chœur. Un homme en sortit, et, rejetant le manteau dont il était enveloppé, il laissa voir les traits d’Emich de Leiningen. Dès qu’Ulrike rencontra le regard inflexible du baron, qui était armé, elle cacha sa figure dans ses mains, et sortit précipitamment. Berchthold et son mari la suivirent, et ils ne revinrent prendre part à l’œuvre de la nuit qu’après avoir mis la pauvre Ulrike sous la protection d’un détachement de bourgeois dévoués.