Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/260

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— Par les rois de Cologne ! est-ce que tu commencerais à être des nôtres, vertueux Arnolph ?

— Car c’est le sort ordinaire de la faiblesse humaine, continua le prieur sans s’émouvoir ; — mais ce qui n’est pas moins certain, c’est que tu n’es pas notre juge. Il est hors de doute que chacun doit expier et expiera en effet ses propres fautes ; mais les terribles conséquences du crime ne s’arrêtent pas à celui qui l’a commis. C’est ce que nous apprend la raison, et ce qui est plus sûr encore, c’est ce qui résulte des paroles sorties de la bouche de Dieu même. Réfléchis donc, il en est temps encore, au fardeau de douleurs que tu apprêtes à tes descendants ; rappelle-toi que si tu es soumis à mille infirmités, si tu es l’esclave de passions avilissantes, c’est parce que toi-même tu portes la peine des péchés d’un père. Oui, la faute de notre père commun est encore punie dans ses enfants.

— Comment donc, bon prieur ! mais tu fais remonter ma généalogie beaucoup plus loin que j’en aie jamais eu la prétention. Ma noblesse, ancienne si tu le veux, ne va pourtant pas se perdre dans la nuit des siècles. Que ceux dont l’ambition est plus grande achètent des ancêtres au prix que tu dis, je me contente, moi, d’une généalogie plus moderne.

Emich s’efforça de sourire ironiquement, mais le moine attentif vit qu’il était troublé.

— Si tu n’as pas une pensée pour tes enfants, — pas une pour toi-même, — pas une pour ton Dieu, — reprit Arnolph, songe du moins à ceux qui t’ont précédé. As-tu déjà oublié ta visite aux tombeaux de ta famille !

— Ah ! t’y voilà, Arnolph ! voilà bien des mois que ces tombes sacrées protègent ton couvent !

— Et à présent es-tu donc disposé à les profaner ?

— Interroge mes gens ; ils te diront, prieur, s’ils ont ordre d’épargner un seul de tes chérubins de marbre, fût-il placé sur la tombe de l’un des miens.

— Alors, en effet, je désespère de toucher ton cœur ! répondit Arnolph, gémissant sur le crime autant que sur ses conséquences. Alors, en effet, dans ton aveugle folie, tu as décidé non seulement notre perte, mais la tienne ; car la pitié pour tes enfants n’est pas moins éteinte dans ton cœur que l’amour de tes pères. Emich de Leiningen, je ne maudis pas ; — c’est d’une arme trop