Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/267

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Si le ciel est contre nous, voyons-le sur-le-champ, même dans notre intérêt ; mais si les bénédictins ne sont que des imposteurs, notre conscience sera désormais tranquille.

— Tu as trop de présomption, enfant ; qui sait comment tout ceci peut finir ? Vous ne dites rien, Heinrich ?

— Eh ! noble Emich, que voulez-vous que dise un pauvre bourgmestre ? Je l’avoue, je crois que pour Duerckheim le mieux serait que la chose n’allât pas plus loin.

— Tu entends, bénédictin ! dit le comte en posant le bout du fourreau de son épée sur le coffre richement ciselé que le moine s’apprêtait à ouvrir, — il faut en rester là !

— Retirez votre arme, Emich de Leiningen, dit le père Johan avec dignité.

Le comte obéit machinalement.

— C’est un moment terrible pour l’incrédule, continua le moine ; l’instant approche où nos autels seront vengés. — Pourquoi reculer, fier baron ? restez, restez jusqu’à la fin, sectateurs pervers et maudits de l’esprit malin, car c’est en vain que vous voudriez échapper au jugement !

Il y avait quelque chose de si frappant dans l’enthousiasme du père Johan, qu’en dépit d’un désir assez général de se trouver à une certaine distance des reliques, tous les spectateurs restèrent immobiles à la même place, retenus par la curiosité, et par l’ascendant d’une sorte de terreur religieuse. Tous les cœurs éprouvèrent des battements plus fréquents quand on vit le moine, avec un grand sang-froid et toutes les apparences du respect, tirer successivement du coffre des ossements de saints, des restes de manteaux, des clous et des morceaux de bois de la vraie croix, et diverses autres reliques non moins précieuses, consacrées par le souvenir des saints événements ou de martyrs de la foi. Après les avoir étalées toutes dans un silence solennel, le père Julian fit le signe du salut, et se tourna de nouveau vers la foule.

— Je ne sais ce que décidera le ciel dans une pareille crise, dit-il ; mais se dessèche la main et soit maudite l’âme de celui qui oserait profaner ces saints vestiges de la foi chrétienne !

En prononçant ces paroles de malédiction, le bénédictin tomba à genoux devant la croix, et se mit à prier en silence. La minute qui suivit fut une minute d’angoisse inexprimable pour les assaillants. Ils s’interrogeaient des yeux avec inquiétude ; l’un regardait la