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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/292

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paraisse si court à un seigneur de Leiningen, arrêté devant une porte, au milieu de la poussière et de la chaleur, pour servir de spectacle à une foule ébahie ? Vous ne connaissez pas l’ardeur de nos coursiers, maître Frey, si vous pensez qu’ils aiment à sentir ainsi le frein. Cavaliers et chevaux, nous sommes de haute race, et il faut que nous achevions notre course, une fois que nous sommes lancés.

— Tout notre désir, noble Emich, était de vous faire honneur, et de vous ouvrir nos portes avec toute la promptitude possible. Nous allions transmettre des ordres à cet effet, lorsque nous avons eu tout à coup l’avantage de vous voir paraître au milieu de nous. Sans doute, le capitaine de garde aura fait ses réflexions, et il a agi de lui-même et de son propre mouvement comme il eût agi, l’instant d’après, suivant nos ordres.

— Vous n’avez pas deviné tout à fait juste, répondit Emich en riant. Notre impatience a été plus forte que vos portes et vos verroux ; et de peur qu’une pareille négligence ne vînt à se renouveler et ne nous exposât encore au même inconvénient, nous avons trouvé le moyen d’entrer sans tant de cérémonie.

Les bourgeois firent, pour la plupart, une singulière grimace, qu’ils dissimulèrent de leur mieux, et Heinrich laissa lire sur ses traits un vif étonnement. Le baron jugea qu’il en avait dit assez pour le moment, et, prenant un air plus gracieux, il continua sur un autre ton :

— Eh bien ! mes bons amis, voilà une heureuse semaine, puisque tous nos désirs ont été accomplis. Les bénédictins sont vaincus, le Jaegerthal est en paix, et sous la domination de son seigneur légitime ; cependant le soleil se lève et se couche comme auparavant ; le ciel n’est pas moins riant, la rosée n’est pas moins bienfaisante. Il n’y a pas eu de miracle en leur faveur, maître, Heinrich, et nous pouvons dormir en paix.

— Cela peut dépendre, seigneur comte, d’autres volontés que de la nôtre. Il circule des bruits qui ne sont rien moins qu’agréables à entendre, et nos honnêtes concitoyens éprouvent quelque crainte, qu’après avoir contribué de leur mieux à assurer la victoire, ils ne restent encore chargés de payer les frais de la guerre.

— Tranquillisez-les, digne bourgmestre, et dites-leur bien que si ma main allume un incendie, ce n’est qu’après m’être assuré