Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/298

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principaux bourgeois. Le comte voulut d’abord prendre un ton de hauteur et de dédain ; mais le moine montra toujours le même calme et la même douceur. L’ascendant de son caractère ne tarda pas à l’emporter, et le ton de la conversation se modifia graduellement. Emich, quand il n’était pas excité par ses passions, ou égaré par cet esprit de cupidité qui était la plaie de ce siècle, éprouvait l’influence des sentiments ordinaires aux personnes de son rang. Arnolph, de son côté, ne perdait jamais de vue ses devoirs, et au premier rang il mettait la charité.

— Vous êtes porteur de la branche d’olivier, saint prieur, dit le comte lorsqu’ils se furent assis, après avoir échangé quelques phrases insignifiantes ; et il est fâcheux que tous vos frères ne comprennent pas aussi bien que vous les devoirs les plus sacrés et en même temps les plus doux de leur ministère. Il y aurait moins de querelles dans ce monde, et nous autres qui restons dans la cour du temple, nous ne serions point dévorés de doutes relativement à ceux qui en soulèvent le voile.

— Quand mon supérieur m’a envoyé en mission auprès des habitants de Duerckheim, je ne m’attendais pas à discuter avec vous sur les devoirs de notre profession, seigneur comte, répondit le moine avec douceur sans se laisser émouvoir par les compliments astucieux d’Emich. Dois-je donc regarder la ville et le château comme ne faisant qu’un ?

— Oui, sans doute, de cœur et d’intérêt ; — je pourrais même ajouter, pour les droits et pour la souveraineté ; car maintenant que la question est décidée par rapport à l’abbaye, l’ancienne domination temporelle se trouve rétablie naturellement. — N’est-il pas vrai, mes amis ?

Heinrich murmura quelques mots inintelligibles ; les autres inclinèrent la tête, mais comme des gens qui étaient évidemment pris au dépourvu. Toutefois Emich parut complètement satisfait.

— Il m’importe peu de savoir qui gouverne ici, reprit Arnolph, puisque l’outrage fait à Dieu et à notre communauté doit être réparé par celui qui l’a commis. Avez-vous lu la missive, digne bourgmestre, et votre réponse est-elle prête ?

— Ce devoir a été rempli, révérend Arnolph, et voici notre réponse. Quant à la lettre, nous avons reconnu qu’elle était écrite en très-beaux caractères et en excellent latin, digne en un mot à tous égards de la communauté célèbre qui l’envoie ; ce qui nous