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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/299

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semble d’autant plus remarquable que la bibliothèque du couvent a considérablement souffert, et que celui qui l’a rédigée n’a pu s’aider des matériaux qui lui étaient familiers. Tout ce qu’elle contient sous la forme de compliments et de bénédictions mérite de notre part les plus vifs remerciements, et nous y avons reconnu, saint prieur, votre bienveillance personnelle. En mon particulier, je dois remercier, le couvent de la manière honorable dont mon nom se trouve introduit dans ce passage ; quoique peut-être il eût mieux valu que l’estimable écrivain eût supprimé ces personnalités, attendu que ces fréquentes allusions, dans des affaires d’un intérêt général, sont de nature à exciter l’envie et d’autres passions haineuses. Quant aux pèlerinages et aux pénitences particulières que je devrais accomplir personnellement, je vous avouerai que je n’en sens nullement le besoin, ce qui autrement ne manquerait pas d’arriver, puisque la plupart des hommes sont excités à ces mortifications par la voix de leur propre conscience.

— Il ne s’agit pas ici de consolation particulière pour le pécheur, ni de baume à verser sur les blessures du couvent, mais d’une humble et indispensable expiation envers Dieu. C’est dans cette vue que nous avons cru important de choisir les personnes les plus considérées, puisque c’est devant les hommes que l’expiation doit être faite. Je suis porteur de propositions semblables pour le château, et je suis chargé, par les plus hautes autorités de l’Église, de demander que le noble comte accomplisse lui-même ces saintes cérémonies. Le sacrifice du riche et de l’innocent a plus de saveur que celui de l’être vil et pervers.

Potz-Tausend ! murmura Heinrich ; c’est bien la peine de mener une vie exemplaire, avec de pareilles doctrines !

Mais Emich entendit cette proposition sans s’émouvoir. Fier et plein d’audace, profondément astucieux, il était plus superstitieux encore ; depuis nombre d’années son esprit grossier était tourmenté par deux passions contraires, la cupidité et la superstition. La première étant satisfaite, il avait commencé à réfléchir sérieusement aux moyens d’apaiser d’une manière efficace ses scrupules religieux. Déjà divers projets d’offrandes expiatoires s’étaient présentés à son esprit, et loin de s’offenser de la déclaration du bénédictin, il parut l’entendre avec plaisir. C’était le genre de satisfaction le plus simple et le moins dispendieux qu’on pût lui demander ; car il savait que, dans l’état actuel de l’es-