Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/306

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que ce lieu est en si grande vénération, et qu’il est devenu le rendez-vous des plus fervents pèlerins.

Emich, qui avait écouté avec une foi parfaite et avec un profond intérêt, fit dévotement le signe de la croix, car dans cet instant les impressions de l’enfance étaient plus fortes en lui que les doutes de l’âge mûr.

— On est heureux d’être ici, mon père ! répondit-il avec respect, et je voudrais qu’Hermengarde et toute ma maison fussent auprès de moi. Mais, dites-moi, quelques faveurs spéciales, sous la forme de dons temporels ou d’avantages politiques, sont-elles accordées à ceux qui viennent ici dans des sentiments convenables ; car, me trouvant devant une châsse si vénérée, je profiterais volontiers des peines et des privations qu’il faut endurer pour obtenir la grâce ?

Le prieur parut mortifié ; car, tout en ajoutant foi à la tradition qu’il venait de raconter, il connaissait trop bien les véritables doctrines de son Église pour ne pas s’apercevoir de la fausse direction que prenait l’esprit de son compagnon. L’embarras qu’il éprouvait amena un moment de silence, pendant lequel le lecteur doit se figurer qu’ils passèrent outre, laissant la scène libre à d’autres personnages.

Toutefois, avant de passer à un autre groupe, nous devons faire remarquer qu’en racontant la consécration miraculeuse de la chapelle de Notre-Dame-des-Ermites, nous n’avons voulu que mettre la tradition sous les yeux du lecteur, sans rien avancer pour ou contre son authenticité. On sait que la croyance à ces interventions surnaturelles de la puissance divine ne forme pas une partie indispensable de la doctrine, même dans l’Église qui se dit la plus favorisée sous ce rapport ; et on ne doit jamais perdre de vue que les sectes qui rejettent ces signes visibles et physiques de la puissance de Dieu, nourrissent des opinions d’une nature plus exclusivement spirituelle, qui ne sortent guère moins du cours ordinaire des choses. Dans des circonstances où il se trouve des nuances de distinction si subtiles, et où la vérité est si difficile à découvrir, notre devoir est de nous borner au simple rôle d’historien, et c’est ce que nous avons fait en racontant la légende d’Einsiedlen, de son abbaye et de sa Vierge. L’opinion du père Arnolph est encore aujourd’hui celle de tout le pays, comme l’attestent les milliers de fidèles qui, tous les ans, vont visiter la châsse.