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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/307

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Heinrich et le forgeron étaient le couple qui suivait le comte et le prieur ; ce sont eux par conséquent que nous allons voir maintenant passer les premiers sous nos yeux.

— Je pense tout à fait comme vous, disait Dietrich, et vous avez bien raison de dire, respectable bourgmestre…

— Frère pèlerin, interrompit brusquement Heinrich.

— C’est vrai, j’aurais dû dire, très-respectable frère pèlerin, quoique mes lèvres aient bien de la peine, Dieu le sait, à se prêter a ce ton de familiarité. Mais enfin, comme je disais, vous avez bien raison de dire que, soit que nous restions fidèles à Rome, soit que nous finissions par nous laisser aller tout doucement au nouveau culte du frère Luther, ce voyage, en toute justice, n’en doit pas moins nous être compté comme tout aussi méritoire ; car, voyez-vous, vénérable frère, il se fait aux dépens de chair chrétienne et de sang chrétien, et je ne vois pas que de pures différences de forme puissent en changer la vertu. Himmel ! j’aurais, je crois, battu l’enclume un an de suite, que mes pieds ne me feraient pas tant de mal !

— Par pitié pour nous deux, Dietrich, ne parle pas de cela. Il faut que ce que le ciel veut arrive ; autrement une personne de ton mérite se serait élevée plus haut dans le monde.

— Merci, mon très-digne frère pèlerin et bourgmestre ; je vais tâcher d’avoir de la résignation, quoique ces souffrances prolongées ne soient guère du goût de nous autres hommes de résolution et de courage. Un coup sur la tête, une balle d’arquebuse, tourmentent moins que de plus petites douleurs qui durent des siècles. Si les choses étaient bien arrangées, les pénitences, les pèlerinages et toutes les autres expiations de l’Église seraient laissés en grande partie aux femmes.

— Nous verrons plus tard comment Luther a combiné tout cela mais pour le moment, puisque nous avons entrepris ce voyage pour le bien de Duerckheim, sans parler de l’intérêt de nos âmes, il faut tenir bon jusqu’au bout ; ce qui nous sera d’autant plus facile, que maintenant nous en voyons la fin. À te parler franchement, Dietrich, je ne crois pas avoir jamais contemplé avec autant de joie un couvent de bénédictins que celui que nous découvrons au pied de cette montagne.

— Allons, courage, mon très-honoré et très-honorable frère pèlerin, l’épreuve touche à sa fin ; et si nous sommes venus aussi