Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/327

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— Mais c’est une rébellion ouverte contre l’autorité, et un refus formel de suivre la doctrine !

— Quant à la première accusation, elle n’est que trop fondée, et l’Allemagne me semble préparée à en courir les risques. Relativement à la doctrine, savant Rudiger, vous entamez une thèse qui ressemble aux cloches des tours de notre couvent, desquelles on peut obtenir une grande variété de sons, depuis le simple carillon jusqu’au triple bourdon.

— Révérend Boniface, vous traitez avec légèreté un sujet bien grave : si nous tolérons ces innovations, c’en est fait de la discipline, et je m’étonne qu’un prêtre comme vous puisse faire leur apologie !

— Vous ne me rendez pas justice, mon frère, car je parle sérieusement. L’esprit de l’homme est si subtil, et il est si inquiet dans ses doutes, que, lorsque la barrière de la discipline est enlevée, je ne connais aucune conclusion pour laquelle un homme habile ne puisse trouver une raison. N’avez-vous jamais pensé, révérend Rudiger, qu’une grande erreur avait été commise dès le commencement, en fondant les ordres qui règlent la société, soit relativement à la religion ou aux intérêts personnels ?

— Vous adressez ces questions à un homme qui est habitué à penser avec respect de ses supérieurs.

— Je n’attaque pas nos supérieurs ni leurs qualités personnelles. Je voulais seulement dire que nos théories sont trop souvent fautives, parce qu’elles sont faites pour d’anciennes pratiques, tandis qu’il me semble que, dans un ordre de choses bien constitué, la théorie devrait venir la première, et les usages suivre, comme une conséquence.

— Cela aurait pu être pratiqué par celui qui possédait l’Éden, mais ceux qui vinrent après lui furent obligés de prendre les choses comme elles étaient, et de les tourner tant bien que mal à leur profit.

— Prince abbé, vous êtes aux prises avec le dilemme ! Si nous pouvions obtenir ce bel héritage, dégagés de tous intérêts subséquents, écoutant la vérité, rien ne serait plus facile que de rendre les pratiques conformes à la théorie ; mais étant ce que nous sommes, prêtres et nobles, saints et pécheurs, philosophes et hommes du monde, la théorie est obligée de se conformer aux nécessités de la pratique, et par suite la doctrine n’est plus qu’une