Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peut-être en dis-je plus qu’il ne convient à une jeune fille, ajouta Méta avec ardeur ; et un point rouge brilla sur ses joues au milieu de ses larmes ; mais les morts sont muets, et si ceux qui les aimaient n’expriment avec force leurs besoins, de quelle manière le ciel connaîtra-t-il leur détresse ?

— Ma bonne fille, interrompit l’abbé, qui commençait à se sentir touché, nous penserons à cela. Allez vous reposer, et que Dieu vous bénisse.

— Je ne saurais dormir tant que l’âme de Berchthold sera dans ce cruel danger. Peut-être le ciel demandera-t-il des pénitences en sa faveur : ma mère Lottchen n’est plus ni jeune ni forte, comme elle l’était autrefois ; mais vous voyez, mon père, ce que je suis : dites-moi ce que vous exigez : des pèlerinages, des jeûnes, des macérations, des veilles, tout me sera indifférent. Ne craignez pas que je m’en effraie : vous ne pouvez me procurer un plus grand bonheur que de me donner cette tâche pour le salut de l’âme du pauvre Berchthold. Oh ! si vous l’aviez connu, saint moine ! si bon avec les faibles, si aimable avec nous autres jeunes filles, et si franc, vous consentiriez bien volontiers alors à lui accorder vos prières.

— Boniface, n’y a-t-il aucun moyen de faire cette concession ?

— Je voudrais vous parler, mon frère, répondit l’abbé de Limbourg, qui d’un air pensif entraîna son confrère loin du groupe.

La conférence des deux abbés fut courte, mais elle fut décisive.

— Emmenez cette enfant, dit l’abbé Rudiger à Ulrike, les coupables doivent porter le poids de la colère du ciel.

Le prieur soupira profondément ; mais il invita les femmes à obéir, comme une personne qui voit l’inutilité de nouvelles instances. Montrant le chemin aux pèlerines, il quitta la demeure de l’abbé ; ses compagnes le suivirent, et pas un murmure ne leur échappa lorsqu’elles donnèrent cette preuve d’une patiente soumission. Ce fut seulement lorsque Ulrike et Lottchen furent au grand air, qu’elles s’aperçurent que la jeune fille qu’elles soutenaient était évanouie : comme ces faiblesses étaient habituelles depuis quelque temps, Ulrike ne ressentit pas de trop vives alarmes ; il ne se passa pas non plus beaucoup de temps avant que les trois pèlerines allassent chercher le repos dont elles avaient si grand besoin.