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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/342

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été l’asile des lettres pendant les époques d’ignorance de notre siècle. Cependant l’augmentation de la ville et la turbulence des temps ne lui a pas permis d’échapper impunément au danger qui menace tous les catholiques romains.

C’était la première allusion faite aux événements qui avaient rassemblé tous les convives d’une manière si singulière ; et, sans l’adresse de Boniface et l’empire qu’il avait sur lui-même, elle aurait pu amener une discussion qui n’eût point été agréable.

— Saint-Gall et ses mérites ne sont ignorés d’aucun des religieux qui portent le froc de Saint-Benoît, répondit-il avec un calme admirable. Vous avez raison de dire que ce monastère a été pendant plusieurs siècles le seul protecteur du savoir en Europe ; car, sans les veilles et la fidélité de ses abbés et religieux, tout ce que nous possédons maintenant, et ce que nous prisons le plus, aurait été perdu pour la postérité et pour nous-mêmes.

— Je ne doute pas, révérend bénédictin, observa Emich en s’adressant poliment à Boniface, comme un homme bien élevé parle à table à un convive auquel il est étranger ; je ne doute pas que ce goût précieux pour le vin dont il était question tout à l’heure ne soit le fruit de ces connaissances que vous admirez.

— C’est une question que je ne déciderai pas trop précipitamment, répondit l’abbé en souriant. Cela pourrait être, car nous avons entendu parler de discorde entre l’abbé de Saint-Gall et d’autres membres de l’Église, relativement à l’usage et à la qualité de son vin.

— C’est l’exacte vérité, répondit l’abbé d’Einsiedlen. Il y eut même une guerre entre le prince évêque de Bâle et nos frères de Saint-Gall, qui amena de terribles disputes et de grandes pertes.

— Eh quoi ! le désir de participer à une bonne cave fut-il assez fort pour engager nos prélats du Rhin à venir si loin à la recherche de ce vin ?

— Vous êtes dans l’erreur, mon fils, sur la nature des vins de Saint-Gall. Nous avons des vignes, il est vrai, dans nos montagnes comme celles qui avoisinent le lac de Zurich, et d’autres qu’on pourrait encore nommer ; mais le vin de notre pays n’est bon qu’à échauffer seulement le sang de nos paysans. Celui qui en a goûté de meilleur ne remplit presque jamais sa coupe du vin qui se recueille dans aucun pays de ce côté de la Souabe, de ceux