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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/343

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du Rheingau en particulier. Mais le territoire de Saint-Gall est fort étendu, et une partie est plus éloignée des contrées favorisées que nous ne le sommes ici.

— Vous aviez besoin d’expliquer cela, prince abbé, car nous savons parfaitement que le Bâlois vient dans notre pays pour faire ses provisions, au lieu que la guerre dont vous parlez l’eût conduit loin de son but.

— Vous n’êtes pas venu jusqu’ici, mon fils, sans avoir remarqué le cours du Rhin, sur les bords duquel vous avez si longtemps voyagé. Ce beau fleuve, quoique si turbulent et si dangereux, au milieu des montagnes, nous est d’un grand secours pour nos provisions. Par le moyen du lac de Constance et de la rivière basse, des bateaux pesamment chargés parviennent jusque sur le territoire de nos frères de Saint-Gall ; et la dispute à laquelle nous avons fait allusion venait de ce que les révérends prélats de Bâle voulaient exiger un droit de péage sur les provisions de l’abbaye. Vous pouvez vous rappeler, ajouta le prince abbé en se tournant vers Boniface, que lorsqu’ils furent les uns et les autres fatigués des coups qu’ils se donnaient, le bon évêque envoya demander ce que la Vierge avait fait pour que les religieux, du haut de la montagne, massacrassent ses enfants ? et que pour réponse on lui fit parvenir cette plaisante question : Qu’est-ce que Saint-Gall a fait pour que vous arrêtiez ses vins ?

Les auditeurs sourirent, amusés par cette description caractéristique, car ces incidents étaient encore trop récents pour exciter, même parmi les religieux, d’autres réflexions que celles qui étaient naturellement amenées par l’intérêt personnel que chacun prenait à la contestation.

— Par les mages ! révérend prince abbé, dit Emich, votre histoire donne au vin une nouvelle saveur ; elle sert de plus à éloigner de nos pensées les souffrances de notre corps et la fatigue de nos pieds.

— Votre pèlerinage, mon fils, apportera sa récompense comme il a apporté ses fatigues. S’il ne servait qu’à vous éloigner pour un moment des hérésies de l’Allemagne, et à vous rapprocher de l’Église, ainsi que vos amis, vos peines ne seraient pas perdues.

— C’est bien ainsi que je l’entends, dit Emich en vidant son verre après l’avoir regardé un instant à la lueur du feu. — Saint-Gall avait raison dans cette affaire, et celui qui ne voudrait pas sa