Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rappelle ses devoirs de prêtre plutôt que ses injures particulières.

— Si j’avais eu le bonheur, seigneur pèlerin, dit-il avec calme, de conserver des autels auxquels vous trouvez tant de mérites, votre demande en faveur du jeune homme eût été considérée avec attention ; mais maintenant vous vous adressez à un prélat qui, comme vous, doit tout à l’hospitalité de ces excellents frères, et qui n’a pas même de toit pour abriter sa tête.

— Je ne le sais que trop, répliqua le comte un peu confus de cette humilité subite ; mais plutôt que d’abandonner l’âme d’un jeune homme dans une position si pénible, l’âme d’un serviteur que j’ai tant aimé, je crois que je serais capable de fonder quelque chapelle dont l’étendue et la beauté seraient en rapport avec sa situation lorsqu’il vivait.

— Sur la montagne de Limbourg, seigneur Emich ?

— Non, excellent Boniface : vous oubliez notre traité amical, ce pèlerinage et autres conditions honorablement remplies. On ne peut plus élever d’autels sur la montagne de Limbourg ; ce serait oublier nos serments et nos promesses, et ce serait pécher des deux côtés ; mais des autels et des chapelles peuvent exister autre part. Accordez-nous cette grâce, et comptez sur notre gratitude et notre justice pour en obtenir la récompense.

Boniface sourit ; il sentait son pouvoir, et il en jouissait, car il se rappelait que, peu de temps auparavant, il avait été à la merci du même baron qui maintenant implorait ses faveurs. Il n’est pas facile de nos jours de comprendre cette singulière contradiction qui portait Emich d’Hartenbourg, le destructeur du monastère de Limbourg, à supplier un moine ; mais celui qui comprend parfaitement : le caractère du baron doit se rappeler la durée des impressions reçues dans la jeunesse, l’effrayant mystère qui est attaché à l’avenir, et par-dessus tout l’instabilité qui est toujours le fruit d’un combat entre les principes et les intérêts, entre la force de la raison et les désirs de l’égoïsme.

— Vous m’accusez injustement lorsque vous dites que j’ai oublié nos serments et notre traité amical, pieux pèlerin, répondit Boniface ; je me les rappelle, et je les respecte, comme vous verrez dans la suite ; mais dans votre requête, vous avez négligé un incident qui a apparemment échappé involontairement à votre justice bien connue et à votre impartialité. On sait que votre forestier