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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/35

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Dieu pour cette maudite dent qui me tourmente parfois plus qu’une âme en enfer ; et quant à la confession, depuis que mon extrême candeur, relativement à ce troupeau, m’a fait avoir une si bonne pénitence, je garde sur mes péchés une convenable discrétion. Pour te dire la vérité, maître Berchthold, l’Église ressemble à une jeune femme, assez aimable lorsqu’on fait toutes ses volontés, mais véritable mégère dès qu’on la contrarie.

Le jeune forestier était pensif et silencieux, et comme ils arrivaient alors dans le voisinage du hameau qui appartenait aux frères de Limbourg, son facétieux compagnon trouva prudent d’imiter sa réserve. Le petit lac artificiel dont nous avons parlé dans l’introduction existait alors ; mais l’auberge, avec son ambitieuse enseigne, est le fruit d’une civilisation plus moderne. Lorsque les jeunes gens atteignirent un ravin qui avait une entrée dans la montagne, ils quittèrent la grande route, ayant bien soin auparavant de se convaincre qu’aucun œil curieux ne surveillait leurs mouvements.

Il y avait dans cet endroit une montée longue et rapide, par un petit chemin rocailleux, et que la lune éclairait en partie. Les jambes vigoureuses du forestier et du gardeur de vaches les eurent bientôt transportés au sommet d’une des montagnes voisines, et ils se trouvèrent au milieu d’une plaine de bruyère. Bien qu’ils n’eussent pas cessé de causer le long de la route, c’était d’une voix plus basse encore que lorsqu’ils se trouvaient sous les murs de Limbourg. Plus Gottlob montait, plus il semblait perdre de son audace.

— Voilà un horrible lieu, qui tue le courage, Berchthold, murmura le vacher au moment où son pied toucha le plateau de la montagne, et il est encore plus désagréable d’y entrer à la clarté de la lune que dans les ténèbres. As-tu jamais été plus près que cela du Teufelstein à cette heure ?

— J’y vins un jour à minuit, car ce fut là que je fis la connaissance de celui que nous venons voir ; t’ai-je jamais raconté de quelle manière nous nous rencontrâmes ?

— Quelle habitude tu as d’en appeler toujours à la mémoire ! Peut-être, si tu me le répétais, je pourrais me rappeler les faits à mesure ; et, pour dire la vérité, j’aime assez à entendre le son de ta voix dans ce pays des fantômes.

Le jeune forestier sourit, mais sans dérision, car il vit que son