Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/34

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honnête Gottlob ; car il est rare que tu perdes l’occasion de leur jouer un mauvais tour soit avec ta langue, soit par l’intermédiaire d’une bête affamée.

— Écoute, Berchthold, nous autres vassaux, nous ressemblons à une eau limpide, dans le cristal de laquelle notre maître doit voir son visage et même jusqu’à son humeur. Lorsque le seigneur Emich professe une haine sincère pour un homme, ou pour un cheval, un chien ou un chat, une ville ou un village, un moine ou un comte, je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais je sens que ma propre colère se soulève, et je suis tout prêt à frapper quand il frappe, à maudire quand il maudit, et même à tuer s’il tue.

— C’est un caractère heureux pour un serviteur. Mais il faut espérer, pour l’honneur de la chrétienté, que la sympathie ne finît pas là, et que les affections sont aussi prononcées que les antipathies.

— Plus encore, sur ma foi ! le comte Emich est un grand amateur de pâté de venaison le matin, et moi je l’aime pendant toute la journée. Le comte Emich vide une bouteille de vin en une heure, tandis que deux ne suffisent pas pour prouver mon zèle à imiter ses goûts ; et quant aux autres mortifications de cette nature, je ne suis point homme à abandonner la cause de mon maître faute de zèle.

— Je te crois, Gottlob, dit Berochthold en riant, et j’en crois plus encore que tu n’en peux dire sur de semblables sujets. Mais, après tout, les Bénédictins sont des hommes d’église, et attachés à leur foi et à leur devoir aussi bien qu’aucun évêque d’Allemagne, et je ne vois pas la cause de toute cette antipathie, soit de la part du seigneur, soit de celle du vassal.

— Oh ! oh ! tu es en faveur auprès de quelque bon frère, et il est rare qu’une semaine se passe sans que tu agenouilles devant un de leurs autels ; quant à moi, le cas est différent, car depuis la pénitence ordonnée pour cette affaire dans laquelle j’ai agi trop librement avec un de leurs troupeaux, je n’ai pas grand-peine à digérer leur nourriture spirituelle.

— Et cependant tu as payé le denier de saint Pierre, dit tes prières et confessé tes péchés au père Arnolph, et tout cela dans le mois !

— Que voulais-tu que fît un pécheur ? je donnai l’argent sur la promesse que je reçus qu’il me serait rendu avec usure ; je prie