Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/353

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étaient agenouillées, et il y avait des instants pendant lesquels leurs corps, sans mouvement, eussent paru aussi inanimés que l’image qu’elles imploraient, sans les profonds soupirs qui s’échappaient quelquefois de leur poitrine, ou un frisson qui parcourait tous leurs membres, signe visible d’un chagrin intérieur. Meta était à genoux entre sa mère et Lottchen ; son âme paraissait absorbée dans la dévotion ; ses regards étaient attachés sur l’œil animé qui brillait dans les profondeurs de la chapelle mystérieuse, éclairée par des lampes splendides et bien disposées ; son imagination transformait l’image en une sainte réelle et bénie par le choix de Dieu, et son esprit s’attachait à cette illusion comme un malheureux cherche à distraire sa douleur. Elle songeait à l’avenir et à la tombe, aux récompenses qui attendent le juste dans le ciel, à cette éternité sans fin dans laquelle elle avait foi ; et les liens de la terre se détachaient peu à peu. Elle éprouvait un saint désir de goûter ce repos ; mais, malgré la nature religieuse de cette occupation, Berchthold, dans son habit vert de forestier, avec son air riant, son pas léger, sa voix joyeuse, se mêlait à tous les tableaux de son imagination. Quelquefois il lui apparaissait comme un saint, couvert d’une robe flottante, et barbu, car c’était ainsi qu’elle avait l’habitude de voir les saints hommes représentés dans les ouvrages de l’art ; et cependant, par une contradiction qui prenait naissance dans son cœur, elle le voyait toujours jeune et beau ; alors elle lui donnait des ailes, et l’unissait aux anges qui semblaient voltiger au-dessus du chœur, et dont un si grand nombre étaient suspendus entre les voûtes et le pavé de l’édifice. Quoique cela puisse paraître singulier à quelques-uns de nos lecteurs, son imagination était si pleine de ces illusions, que cette pauvre et tendre jeune fille avait rarement passé une heure aussi heureuse que celle qui s’écoula pour elle dans cette sainte joie au pied de la châsse de Notre-Dame-des-Ermites.

Les sensations de Lottchen étaient bien différentes ; son chagrin était de ceux auxquels l’imagination n’a point de part. Elle pleurait l’enfant auquel elle avait donné le jour, et qui était l’appui de sa vieillesse et l’orgueil de sa vie. Aucune illusion ne pouvait égarer l’imagination d’une mère, ni aucun travail de l’esprit ne pouvait changer la triste réalité en autre chose qu’une vérité amère. Cependant Lottchen trouvait de la consolation dans ses