Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/37

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— Si tu appelles cela être rendu, ami Berchthold, je prierai saint Benoît de me garder où je suis jusqu’à la fin de mes jours.

— Je ne pèse pas le sens de toutes les paroles que je prononce, tant le souvenir de ce moment pénible m’est présent. Mais ce fut au moment de mon plus grand désespoir que je sortis de la forêt et que j’arrivai sur cette montagne. Alors il parut devant mes yeux quelque chose qui me sembla être une maison, et, grâce à une lumière brillante que je m’imaginai voir au travers d’une fenêtre, je me crus de nouveau rendu au commerce de mes semblables.

— Tu te sers de ce terme avec plus de discernement maintenant, dit le gardeur de bestiaux, poussant un profond soupir, comme quelqu’un qui est satisfait de voir une difficulté terminée. J’espère que c’était la demeure de quelque vassal du seigneur Emich, en chair et en os, et qui avait les moyens de consoler une âme en peine.

— Gottlob, l’habitation n’était autre que le Teufelstein, et la lumière était celle d’une étoile brillante qui jetait ses rayons sur le roc.

— Je parie à coup sûr, maître Berchthold, que vous n’avez pas frappé deux fois à cette porte.

— Je n’attache pas trop d’importance à de vulgaires légendes, ni aux superstitions des femmes de nos montagnes ; cependant…

— Doucement, doucement, ami forestier ; ce que tu appelles par des noms si irrévérencieux sont les opinions de tous ceux qui demeurent à Duerckheim ou dans les environs : chevalier ou moine, bourgeois ou comte, ont un égal respect pour nos vénérables traditions. Tausend sechs und swanzigen ! que deviendrions-nous si nous n’avions pas quelque glorieuse histoire ou quelque spectacle alarmant de cette sorte à opposer aux pénitences, aux prières et aux messes des frères de Limbourg ! Ayez autant de sagesse et de philosophie que vous voudrez, mon frère de lait, mais laissez-nous notre diable, quand ce ne serait que pour se battre contre l’abbé.

— Malgré tous tes grands mots, je sais que personne, parmi nous, n’a au fond du cœur une plus grande crainte de cette montagne que toi, Gottlob ! J’ai vu ton front couvert d’une sueur froide lorsque tu traversais cette lande après la nuit tombée.

— Es-tu bien sûr que ce n’étaient pas des gouttes de rosée ? Il en tombe beaucoup dans ces montagnes lorsque la terre est sèche ;