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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/38

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— Ce sera donc la rosée, si tu le désires.

— Pour t’obliger, Berchthold, j’irais jusqu’à jurer que c’était une trombe. Mais que devinrent le roc et l’étoile ?

— Je ne pouvais changer la nature de l’un ni de l’autre ; je ne prétends point à ton indifférence sur le pouvoir mystérieux qui gouverne la terre, mais tu sais que jamais la crainte ne m’a tenu éloigné de cette montagne. Lorsqu’en approchant je reconnus mon erreur, j’allais m’en retourner, non sans faire le signe de la croix et répéter un Ave, je suis tout prêt à le reconnaître ; mais un regard me convainquit que la pierre était occupée.

— Occupée ! J’ai toujours su que la pierre était possédée, mais je n’avais jamais pensé qu’elle fût occupée.

— Il y avait quelqu’un assis sur la partie la plus saillante, et aussi facile à distinguer que le roc lui-même !

— Et sans doute tu fis preuve de cette célérité qui t’a valu la faveur du comte et ta place de forestier ?

— J’espère que mon zèle à remplir les devoirs de ma place est de quelque poids auprès de lord Emch, répondit Berchthold avec un peu de vivacité. Je ne courus pas, Gottlob, mais je parlai à l’être qui avait choisi un siège si étrange à une heure aussi indue.

En dépit de son insouciance affectée, le pâtre s’approcha davantage de son compagnon, jetant en même temps un regard oblique dans la direction du roc.

— Tu as l’air troublé, Gottlob ?

— Crois-tu que je sois sans entrailles ? Quoi ! un de mes amis s’est trouvé dans cette terrible position, et je ne serais pas troublé ! Que Dieu te bénisse, Berchthold ! je viendrais de voir périr la meilleure vache de mon troupeau, que je n’éprouverais pas un plus grand chagrin. Te fit-on une réponse ?

— Oui ; et les résultats m’ont prouvé, reprit le forestier en réfléchissant tandis qu’il parlait comme un homme qui aperçoit les lueurs d’une vérité longtemps cachée, que nos craintes nous empêchent souvent de voir les choses comme elles sont, et ne servent qu’à nourrir nos erreurs. J’eus une réponse, et, en dépit de ce que tous les habitants de Duerckheim peuvent croire, elle me fut donnée par une voix humaine.

— C’était encourageant, quoiqu’elle fût sans doute plus bruyante que le mugissement d’un taureau !

— On me parla d’une voix douce, et tu me croiras facilement,