Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/375

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douté, un sentiment de crainte et d’effroi de voir paraître quelque objet surnaturel.

Pas un mot ne fut prononcé jusqu’à ce qu’Emich et le bourgmestre dépassant la masse de pierres qui marque la position de l’ancien mur au moyen de la porte dont nous avons déjà parlé, le premier, encouragé par la tranquillité, prit la parole :

— L’oreille est souvent un traître compagnon, ami bourgmestre, dit-il ; et comme la langue, à moins qu’elle ne soit surveillée avec attention, elle peut créer bien des méprises. Nous pensions tout à l’heure, l’un et l’autre, que nous avions entendu les pattes de chiens battant la terre comme pendant une chasse, et vous voyez maintenant, à l’aide de vos yeux, que nos oreilles nous ont trompés ; mais nous approchons du terme de notre court pèlerinage, et nous nous arrêterons afin que j’explique à ces gens nos opinions et nos intentions.

Heinrich donna le signal, les enfants de chœur cessèrent leurs chants, et la foule s’approcha pour écouter. Le comte voyait et sentait qu’il touchait à la crise réelle pour l’accomplissement de ses vues opposées à celles de l’ancienne confrérie, et il prit la résolution, par un violent effort, non seulement de vaincre ses ennemis, mais de se vaincre lui-même ; c’est dans cette disposition d’esprit qu’il prit la parole :

— Vous êtes ici, mes honnêtes amis et vassaux, comme des fidèles qui respectent l’utilité de l’autel, lorsqu’il est desservi avec sainteté comme il doit l’être, et comme des hommes qui sont disposés à juger par eux-mêmes. Ce Camp, comme ces ruines vous l’attestent, fut jadis occupé par une armée de guerriers qui, dans leur temps, combattirent, souffrirent et furent heureux, versèrent leur sang, moururent, conquirent et furent vaincus, de même que vous voyez tous ceux qui portent les armes à notre époque être soumis à ces diverses vicissitudes et à ces différents malheurs. La tradition qui vous assure que leurs esprits fréquentent ce lieu n’est pas plus vraie, qu’il n’est vrai que les esprits de tous ceux qui sont morts les armes à la main restent près du lieu qui fut arrosé de leur sang. Si cette croyance était vraie, il n’y aurait pas un pouce de terrain dans notre beau Palatinat qui n’eût ses fantômes. Quant à cette dernière alarme concernant mon forestier, le pauvre Berchthold Hintermayer, elle est moins probable encore, vu le caractère du