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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/385

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Le bourgmestre ne fut pas fâché d’une occasion qui lui permettait de parler d’un succès qui lui avait attiré l’envie de tous ses égaux.

— La réussite doit parler en faveur des moyens que j’ai employés, dit-il en souriant d’un air coquet. Ulrike n’était pas de ces jeunes filles capables de sauter par une fenêtre, et de faire plus de la moitié du chemin pour venir au-devant d’un jeune homme ; mais elle me donna les encouragements qu’il convient à une jeune fille : sans cela ma modeste opinion de mon mérite m’aurait fait rester garçon jusqu’à présent.

Emich sentait sa bile s’allumer en entendant un homme dont il faisait si peu de cas parler ainsi de lui-même, et appliquer un tel langage à une femme que lui-même avait aimée. L’effort qu’il fit pour réprimer son mécontentement produisit un nouveau silence, pendant lequel nous nous permettrons de transporter la scène à la hutte de l’ermite, ou se passait une entrevue décisive pour le bonheur futur de quelques personnages de cette histoire.

Le jour qui avait suivi la résurrection de Berchthold avait été consacré aux joies et aux félicitations à Duerckheim. Les timides et les superstitieux voyaient un terme à leurs doutes concernant la colère du ciel et ses fléaux comme un châtiment mérité pour le renversement des autels de l’abbaye, et peu d’habitants étaient assez dépourvus de sensibilité pour ne pas sympathiser au bonheur de ceux qui avaient si amèrement pleuré la mort de Berchthold. Comme dans tous les cas d’une transition rapide, la réaction aida à diminuer l’influence des moines, et même ceux qui étaient le plus disposés à douter étaient encouragés à croire que le changement religieux qui s’approchait à grands pas serait loin de produire l’horrible révolution qu’on avait redoutée d’abord.

Heinrich nous a révélé la nature de la discussion qui avait eu lieu entre lui et sa femme. Cette dernière avait en vain essayé de saisir un moment favorable pour intéresser le bourgmestre en faveur des deux amants. Mais quoique sincèrement heureux que le jeune homme qui avait montré tant de courage dans le danger n’eût pas été victime de son zèle, Heinrich n’était pas homme à laisser l’admiration ou un sentiment généreux l’emporter sur la politique de toute sa vie. Lorsque cette inutile et pénible conférence était sur le point de se terminer, Ulrike demanda tout à coup à son mari la permission d’aller rendre visite à l’ermite,