Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/40

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son maître contre les religieux ses voisins, exprimait cette détermination d’une voix aussi ferme que son courage, la confiance renaquit entre les deux amis, qui continuèrent leur route d’un pas rapide. Ce lieu était à la vérité bien propre à réveiller tous les germes de superstition que l’éducation, la tradition ou les opinions du pays peuvent semer dans le cœur humain.

Pendant ce temps, nos aventuriers s’étaient approchés d’un bois de petits cèdres, entouré d’un mur circulaire composé de piles de pierres tombées, et qui croissait sur un des points les plus saillants de la montagne. Derrière le bois, on voyait la plaine de bruyère, tandis que le roc nu, que les rayons de la lune venaient d’éclairer, élevant sa tête chauve, ressemblait à quelque monument funèbre placé au centre de ce désert, pour désigner et rendre sensible par la comparaison la solitude aride des champs. Sur le dernier plan, on voyait la pente sombre et le sommet de la forêt des montagnes du Haart. À leur droite était le vallon que les deux amis venaient de quitter, et en face, en tirant du bosquet une ligne un peu oblique, la plaine du Palatinat, couverte d’une profonde obscurité, et dont, malgré les ténèbres, on distinguait la culture, à cent pieds au-dessous d’eux.

Il était rare qu’aucun des serviteurs du comte Emich, et plus particulièrement ceux qui logeaient dans son château ou dans les environs, et qui pouvaient être appelés pour leur service à tout moment, se hasardassent aussi loin de la forteresse, et dans la direction de l’hostile abbaye, sans se pourvoir de moyens d’attaque et de défense. Berchthold portait, comme à l’ordinaire, son couteau de chasse, ou cette épée courte qui, de nos jours, est encore portée par cette espèce de domestiques appelés chasseurs, dégradés jusqu’à l’office de laquais, et qu’on voit derrière les voitures des ambassadeurs de princes, pour rappeler au passant observateur la décadence régulière et certaine des usages des temps féodaux. Gottlob n’avait pas négligé non plus sa sûreté personnelle relativement aux ennemis humains. Lorsqu’il s’agissait de résister à de semblables attaques, son courage était sans reproche ; il l’avait prouvé dans plus d’une des sanglantes querelles qui, dans ce siècle, avaient lieu fréquemment entre les vassaux et les petits princes d’Allemagne. Le gardeur de bestiaux s’était muni d’une arme pesante que son père avait souvent portée dans les combats, ut qui exigeait toute la vigueur du bras musculeux du fils, pour